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HRW dénonce la discrimination sexuelle en Chine

Andy Wong / The Associated Press Photo: Andy Wong
Christopher Bodeen - The Associated Press

PÉKIN, Chine — Une offre d’emploi pour des chefs de trains rapides en Chine demandait des candidates «à la mode et belles». Une autre offre à l’intention des hommes pour un emploi au sein d’une firme internet incluait des photos d’employées qui dansaient à la barre.

La discrimination sexuelle est répandue dans le milieu de travail chinois, a dénoncé lundi une organisation de défense des droits de la personne. Plusieurs annonces demandent exclusivement des candidatures masculines ou utilisent les jolies collègues pour attirer les candidats.

Human Rights Watch (HRW) a rédigé son rapport «Only Men Need Apply: Gender Discrimination in Job Advertisement in China» après avoir examiné plus de 36 000 offres d’emploi publiées entre 2013 et 2018 par des recruteurs, des compagnies et le gouvernement.

«Les offres d’emploi sexistes font la promotion de stéréotypes dépassés qui persistent au sein des entreprises chinoises, a déploré lundi la directrice de HRW en Chine, Sophie Richardson. Ces compagnies se targuent d’être des vectrices de modernité et de progrès, et pourtant elles se rabattent sur des stratégies de recrutement (aussi anciennes).»

La Chine interdit officiellement la discrimination lors de l’annonce des postes et de l’embauche, mais le respect de ces règles est faible. Des agences gouvernementales y ont ainsi contrevenu, selon le rapport, qui calcule que 55 pour cent des emplois offerts par le ministère de la Sécurité publique étaient offerts «seulement aux hommes». Le ministère n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires.

Les pratiques d’embauche discriminatoires creusent encore davantage l’écart entre les hommes et les femmes en ce qui concerne la présence sur le marché du travail et les salaires. Les employées urbaines ne gagnaient que 67 pour cent du salaire des hommes en 2010, comparativement à 78 pour cent en 1990 — quand le gouvernement a commencé à relâcher son emprise sur l’économie.

Il s’agit aussi d’un reflet des «perceptions profondément discriminatoires des femmes», selon le rapport, y compris qu’elles sont moins compétentes que les hommes, ou encore moins dédiées à leur carrière puisqu’elles décideront éventuellement de quitter leur poste pour fonder une famille.

La beauté des collègues féminines

HRW a décelé dans le secteur technologique plusieurs annonces qui tablaient sur la beauté des collègues pour attirer les hommes.

Dans un cas, le géant du commerce en ligne Alibaba a publié en 2013 sur son microblogue les attributs de ses employées, en plus de photos les montrant dans des positions sexualisées. On voyait l’une d’elles danser à la barre.

Alibaba n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaire.

Un article mis en ligne en octobre 2016 sur le microblogue de la firme technologique Tencent allait encore plus loin. Un employé y affirmait que sa décision de se joindre à Tencent «découlait d’une impulsion primitive. C’était principalement parce que les femmes des ressources humaines qui m’ont interviewé étaient très jolies.»

Tencent s’est excusée en assurant que la compagnie recherchait des antécédents diversifiés, et qu’elle recrutait son personnel en fonction du talent et des capacités. «Ces incidents ne reflètent manifestement pas nos valeurs, a dit le géant technologique par voie de communiqué. Nous avons étudié ces incidents et nous apportons des changements immédiats. Nous sommes désolés qu’ils se soient produits et nous poserons des gestes rapides pour assurer qu’ils ne se reproduiront plus.»

Critères d’embauche douteux

En dépit des lois qui l’interdisent, on exigera souvent des candidates des attributs physiques qui n’ont rien à voir avec l’emploi, ce qui constitue une autre forme d’objectification sexuelle. Ces prérequis pourront porter sur la taille et le poids, «des traits faciaux normaux» ou le timbre particulier de la voix.

Dans le nord de la Chine, une offre d’emploi recherchait des «chefs de trains rapides à la mode et belles», selon le rapport de HRW. Le document évoque aussi une étude publiée en 2014 par la Fédération des femmes chinoises, et qui révélait que 87 pour cent des diplômées universitaires ont subi au moins une forme de discrimination sexuelle lors de la recherche d’un emploi.

Cette discrimination incluait des annonces qui prévenaient «hommes seulement ou préférés», des candidates qui ont été rejetées ou à qui on a refusé une entrevue, ou encore l’exigence de qualifications académiques plus élevées pour les femmes, selon les données de la fédération.

Dans certains cas, poursuit le rapport, on accorde la préférence aux hommes dans la fonction publique ou parmi les enseignants au niveau préscolaire ou primaire pour compenser le pourcentage important de femmes dans ces domaines, selon le rapport. Le document cite le directeur d’une école qui explique que «le manque d’hommes incite les enfants à penser comme des femmes et à régler leurs problèmes comme elles».

Au-delà de telles attitudes, poursuit le rapport, le changement est freiné par le manque de détermination à faire respecter les lois et par le régime politique autoritaire de la Chine.

«Au lieu de harceler et d’emprisonner les militantes des droits des femmes, le gouvernement chinois devrait voir en elles des alliées pour combattre la discrimination sexuelle sur le marché du travail et ailleurs», peut-on lire dans le document.

Au sein de la diplomatie chinoise, explique la sociologue Li Yinhe, les femmes pourront être exclues parce qu’on craindra que des postes dans certains pays soient trop dangereux pour elles.

«Plusieurs entrepreneures chinoises comptent parmi les plus riches du monde, mais c’est nettement pire en politique, a dit Mme Li. Je crois que c’est parce que les femmes sont arrivées tardivement, donc les ressources politiques sont entre les mains des hommes et la société est dominée par les hommes.»

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