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Fuites diplomatiques: la relation Londres-Washington à l’épreuve

Le président américain, Donald Trump et la première ministre britannique, Theresa May Photo: AP Photo/Frank Augstein

Un coup de canif dans la «relation spéciale»? La fuite de câbles diplomatiques britanniques critiquant Donald Trump a créé un accès de fièvre entre le Royaume-Uni et les États-Unis dont Londres se serait bien passé au moment de préparer l’après-Brexit.

«Instable» et «incompétent»: c’est ainsi qu’est dépeint le locataire de la Maison-Blanche par Kim Darroch, ambassadeur britannique à Washington, dans ces rapports confidentiels publiés par le journal dominical Mail on Sunday.

L’intéressé a vivement réagi sur Twitter en signifiant qu’il n’aurait «plus de contacts» avec M. Darroch, taclant au passage la Première ministre britannique Theresa May sur sa gestion du Brexit (une «pagaille»).

Le gouvernement britannique a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les responsables, et n’exclut pas l’intervention de la police le cas échéant.

Mais «la première hypothèse, c’est qu’il s’agit d’une fuite à l’intérieur (de l’administration)», a déclaré le secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Alan Duncan.

Pour Christopher Meyer, ancien ambassadeur britannique à Washington, la question à se poser, c’est: à qui profite le crime?

«Il y a toute une série de « méchants » potentiels. Je ne nommerai personne mais c’est clairement quelqu’un qui a délibérément saboté le poste d’ambassadeur de (Kim Darroch) pour qu’il soit remplacé par quelqu’un qui lui soit plus favorable», a-t-il dit sur la radio BBC4.

La presse britannique s’interrogeait de son côté sur un possible piratage informatique organisé par un acteur étatique, russe, chinois ou iranien.

«Ce serait particulièrement inquiétant», a déclaré dans le Sun le chef de la diplomatie britannique Jeremy Hunt, tout en précisant ne disposer à ce stade d’aucun élément allant dans cette direction.

Alors que les hypothèses les plus folles circulaient sur les réseaux sociaux, la journaliste Isabel Oakeshott, à l’origine de l’article, a assuré sur Twitter n’avoir «aucun contact» avec les «services de sécurité russes».

En poste à Washington depuis janvier 2016, Kim Darroch se retrouve dans une situation pour le moins inconfortable.

Reste toutefois à savoir ce qu’a exactement voulu dire Donald Trump en déclarant «Nous n’aurons plus de contacts avec lui», a souligné Christopher Meyer.

Le président américain souhaite-t-il simplement éviter de croiser l’ambassadeur, ou entend-il lui interdire tout accès à son administration, auquel cas sa position deviendrait difficilement tenable?

Jusqu’ici, Theresa May a assuré l’ambassadeur de son «soutien total» et c’est le futur Premier ministre britannique, dont le nom sera connu le 23 juillet, qui pourrait trancher la question.

Rappellera-t-il l’ambassadeur à Londres? C’est une option possible mais l’exécutif britannique risquerait alors de donner l’impression de céder aux desiderata de Donald Trump.

Kim Darroch est censé de toute façon quitter ses fonctions cet hiver.

Représentant permanent du Royaume-Uni à Bruxelles de 2007 à 2011, Kim Darroch n’est pas forcément très apprécié des pro-Brexit qui voient en lui un partisan du maintien dans l’Union européenne.

Si les ambassadeurs britanniques sont traditionnellement des diplomates de carrière, la presse britannique s’interrogeait sur la possibilité d’une nomination plus politique, plus à même de composer avec l’imprévisible président américain.

L’enjeu revêt une importance particulière alors que le Brexit est programmé pour le 31 octobre et que Londres espère signer avec Washington un accord de libre-échange ambitieux pour réussir sa sortie de l’UE.

Les diplomates britanniques continueront-ils à l’avenir à livrer aussi franchement leurs pensées au gouvernement? Leur «confiance» est affectée, a estimé dans le Guardian Peter Ricketts, secrétaire permanent du Foreign Office de 2006 à 2010.

L’ancien haut fonctionnaire craint également pour la réputation du Royaume-Uni «en tant que pays qui sait comment garder ses secrets».

Jeremy Hunt a lui jugé «très important» que les ambassadeurs britanniques continuent à donner «des estimations sans fard» des pays où ils travaillent, et de leurs dirigeants.

C’est à Winston Churchill que l’on attribue l’expression «relation spéciale» pour définir les liens culturels, économiques, diplomatiques, militaires étroits entre les États-Unis et le Royaume-Uni.

Si ces fuites constituent certes un accroc dans leurs relations, elles n’auront aucun impact sur le fond, estime Peter Ricketts, soulignant que ces liens sont «fondés sur des intérêts communs forts et profonds».

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