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La Compagnie créole: «Ça nous est tous arrivé, d’être confrontés à des préjugés»

Photo: collaboration spéciale

Elle fait danser petits et grands depuis près de 40 ans en chantant la joie de vivre et, surtout, celle de vivre ensemble. À l’occasion de la sortie de leur dernier disque, Métro a rencontré Clémence Bringtown, José Sébéloué, Julien Tarquin et Guy Bevert pour leur parler de leur vision – engagée – du monde.

Le carnaval représente la fête, le rassemblement, la mixité sociale. Y a-t-il une raison pour laquelle vous avez voulu rassembler, sur un même disque, des chansons de carnaval du monde entier?
Clémence : Nous sommes dans un siècle où, au lieu de se rassembler, les gens s’éloignent les uns des autres, où il y a de plus en plus d’intolérance. Le carnaval est plutôt une façon universelle d’unir et de rassembler les peuples. Il constitue un exutoire, un moment où les gens oublient leur rang social, leur race, leur langue.

Vous fêtez vos 40 ans de carrière cette année. Dans quel sens le monde a-t-il changé depuis vos débuts?
Clémence : Je dirais qu’il y a de plus en plus de séparation entre les gens parce qu’on vit dans un système qui est rempli d’égoïsme. Il y a la crise, les gens se cherchent et c’est vrai que nous avons tendance à nous isoler dans notre truc. On a un peu perdu l’esprit ouvert qu’on avait avant parce qu’il y a un vent de pessimisme et de peur à l’égard de l’avenir. Pour moi, heureusement qu’il y a encore la musique pour rassembler les gens. Quand une grande vedette remplit le Stade de France, toutes les races, tous les peuples sont là, et c’est important!

– «L’évolution, c’est qu’on permet les marches de Ferguson aujourd’hui, alors qu’il y a quelques années ce n’était pas permis de revendiquer.
– Ce n’est qu’un tout petit pas, je dirais!»
Clémence Bringtown et Julien Tarquin, commentant les marches du mouvement Black Lives Matter pour les droits civiques qui ont eu lieu l’année dernière aux États-Unis.

Y a-t-il, selon vous, davantage de points communs que de différences entre les peuples?
José : Ça va chercher loin dans l’histoire, la différence entre les hommes, mais humainement, nous sommes toujours les mêmes. On s’en rend compte quand on veut bien aller à la rencontre de l’autre. À nous aussi, ça nous est arrivé d’être confrontés à des préjugés…
Julien : Il n’y a pas longtemps, il y a quand même une dame qui m’a posé la question: «Où c’est que se trouvent la Guadeloupe et la Martinique en Afrique?»
José : L’éducation a été mal faite, quelque part, par les colons, par les gens qui ont fait l’éducation, qui ont inventé l’école – c’est Charlemagne, je crois? (Rires) Les gens qui sont racistes n’ont pas voyagé, donc ils établissent une différence entre les gens en fonction de leur éducation. Le racisme est inculqué, à quelque part.
Clémence : Aux Antilles, ce qu’on nous enseigne, c’est «nos ancêtres, les Gaulois». Quand je suis allée en Afrique, je suis allée à Gorée, l’île d’où partaient les esclaves. C’est là que j’ai compris que mes racines étaient en Afrique. Avant, on ne m’avait jamais appris à faire le lien. On nous apprenait l’histoire de France, celle des rois…
José : On connaissait les propriétés du raisin, mais l’ananas, on ne connaissait pas! (Rires)

L’histoire est écrite par les vainqueurs, dit l’adage…
Clémence : Ce n’est que récemment que les colonisateurs ont reconnu qu’ils ont déporté des hommes pour les réduire en esclavage. Pendant des années on n’en parlait pas, tout était normal, rien ne s’était passé; on parlait de la Shoah, mais de l’esclavage des Noirs, jamais!

Que pensez-vous des pays antillais qui demandent réparation pour l’esclavage?
Clémence : Je ne suis pas tout à fait pour, parce que nous sommes enfants de ça, mais ce n’est pas nous qui en avons souffert. J’aimerais cependant que les relations entre certains descendants de colons encore aux Antilles et les autochtones changent.

Pour quelles raisons?
José : Ils possèdent encore le pouvoir économique, et il faut les départir de ça. (Rires) Je suis un radical moi, je ne suis pas politique… Mais comme le dit la chanson, plus on va se métisser, plus tout ça disparaîtra…
Julien : Ah bon? Tu crois ça toi?

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