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Omar Khadr: La torture «entre guillemets»

Former Guantanamo Bay prisoner Omar Khadr, 30, is seen at a home in Mississauga, Ont., on Thursday, July 6, 2017. The federal government has paid Khadr $10.5 million and apologized to him for violating his rights during his long ordeal after capture by American forces in Afghanistan in July 2002. THE CANADIAN PRESS/Colin Perkel Photo: Colin Perkel/La Presse canadienne

Un sondage nous apprend que 71% des Canadiens se montrent en défaveur de la compensation versée par Ottawa. Soixante-et-onze… Mais pire encore, il y a les commentaires glanés ici et là. De quoi pulvériser la plus opiniâtre des bonnes humeurs. La mienne à tout le moins.

Moi qui me les casse depuis une dizaine d’années à enseigner cette affaire, à écrire là-dessus (La fin de l’État de droit, 2014, XYZ), à prononcer un TED Talk sur le sujet, à courailler tout média pour dénoncer cette injustice, disons que je la prends dur. Qu’est-ce qui est si difficile à comprendre, au fait?

Alors afin de continuer à perdre mon temps (et le vôtre, manifestement), voici un court questions-réponses abordant les principales critiques soulevées lors des derniers jours.

Pourquoi Khadr reçoit-il une compensation du Canada et non des États-Unis?
Parce que, même s’il s’agissait à la base d’une affaire essentiellement américaine, Ottawa a dépêché sur les lieux des agents de ses services secrets (SCRS), lesquels ont mené des interrogatoires sous torture. De là la responsabilité canadienne en l’espèce.

La compensation est-elle exagérée?
Pas si on regarde les précédents. Et pas si on considère que Khadr poursuivait déjà Ottawa, et que tout indique qu’il allait éventuellement passer à la caisse. Parce que la Cour suprême du Canada, rappelez-vous, a antérieurement déterminé que le fédéral avait violé ses droits constitutionnels. Parlons ainsi plutôt d’un règlement à l’amiable.

Pourquoi considérer l’âge de Khadr en l’espèce?
Parce qu’ainsi le veulent tous les traités internationaux à cet effet. On considère, imaginez-vous donc, qu’un enfant-soldat est vulnérable, influençable. Et on souhaite le protéger des affres de la morale guerrière. Aussi simple que ça.

Khadr n’a-t-il pas avoué son crime?
Un aveu obtenu sous la torture ne vaut rien. Ni en droit international. Ni en droit canadien. Ni en pure logique, d’ailleurs.

Khadr n’est-il pas un meurtrier?
Ah oui? Et selon qui? Stephen Harper? Il est devenu juge (et partie), celui-là? Vous acceptez dans votre démocratie qu’un premier ministre puisse aussi servir de tribunal? Eh ben. Vous avez suivi le procès de Khadr? Vous avez vu la preuve? Serait étonnant. Parce qu’aucun procès n’a eu lieu, même en 10 ans de torture. Question: Et si ça arrivait à un de vos proches?

La torture subie par Khadr en était une «entre guillemets», non?
C’est du moins ce qu’un député conservateur vient de laisser entendre. Alors, pour le protéger de lui-même, c’est-à-dire pour éviter qu’il se poursuive en diffamation, nous tairons son nom. Et pour sa gouverne, du waterboarding constitue de la vraie torture. Refuser de soigner un œil semi-perdu, aussi. Idem pour la privation de sommeil, pour le supplice de la chambre froide, pour les voies de fait constants, pour se faire déféquer dessus, en pleine nuit, par des douchebags appelés militaires.

De la torture entre guillemets, donc? Chanceux que la perfection ne soit pas de ce monde, lui. Autrement, on parlerait vraisemblablement d’un parfait imbécile…

@F_Berard

 

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