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Elle aura besoin de toi

Foulard lumière

Pirouettes d’août et brunante de bord de fleuve à vous. Cette salutation empreinte de paix et de pieds de vents reflète toute la douceur de cet été qui embrasse si joliment les possibilités d’automne. Le mois doux. Tous ces gens qui semblent s’aimer, profiter, se poser. Puis, cette jeune femme qui a pris feu.

Ce qui est fascinant, c’est que les jeunes femmes ne prennent pas feu spontanément (cette information est certes déconcertante et pourrait causer de violentes chutes). C’est un procédé qui implique une autre personne. Une personne qui a envie de sacrer le feu à quelqu’un qu’elle estime coupable de ne pas être en feu. Une terrifiante science, que celle de l’embrasement.

Cette jeune femme de 27 ans a subi d’importantes brûlures au visage, au dos et aux mains après que son ex-conjoint a décidé qu’elle avait passé assez de temps à mener une vie dans laquelle elle n’était pas en flammes. Il y a donc simplement mis le feu. Comme ça. Parce «qu’elle le méritait».

Ce fait divers estival se sera sans doute glissé dans ton fil de nouvelles comme un petit divertissement entre deux blés d’Inde et une saucette, tête secouée vers le gazon avec douces pensées pour cette jeune femme de Québec dont l’existence sera désormais cousue d’épreuves, de peur, de colère et de traumatismes qu’une seule vie parviendra à peine à estomper.

Et toutes ces femmes développent, bien malgré elles, l’art de ne pas en ébruiter la teneur. De la taire par peur. Par honte.

J’y consacre aujourd’hui chronique parce que rien ne change.

En 2018, une fille ou une femme a été assassinée tous les deux jours au Canada. TOUS LES DEUX JOURS. Et cette sombre statistique ne parle pas des milliers de femmes qui ont failli y laisser leur vie, qui sont en fuite, qui se terrent dans des maisons d’hébergement ou qui sont simplement coincées dans le cycle infernal d’une relation toxique où la violence s’étend chaque matin sur les toasts. Et cette violence n’est pas toujours comme dans les vues; elle est insidieuse. Elle sait se faire discrète; qu’elle soit économique, physique, sexuelle, psychologique ou verbale, la violence conjugale fleurit dans la vie de ta voisine. De ta collègue. De ta sœur, peut-être. Et toutes ces femmes développent, bien malgré elles, l’art de ne pas en ébruiter la teneur. De la taire par peur. Par honte. Pour protéger les enfants ou par difficulté à faire face au fait que la personne qui est censée t’aimer le plus au monde souhaite en fait essayer son lighter sur ta belle blouse pendant que t’es dedans.

Si tu as le moindre doute qu’une amie, une proche ou même une connaissance traverse cette terrifiante vallée, de grâce, lâche la balayeuse de piscine. Apporte-lui ce soutien qu’elle n’osera pas te demander, de peur d’être jugée. Signifie ta présence, ta bienveillance, chaque jour, tel un phare. Accueille-la dans ses nombreuses tentatives de se soustraire au cercle vicieux qui t’apparaît si simple, mais qui ne l’est pas du tout.

Une femme en situation de violence conjugale court le risque le plus élevé au moment de mettre fin à sa relation et de quitter. Elle aura besoin de toi.

La bise.

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