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2020: année de la solitude, y compris pour les professionnels de la santé

Infirmier assis seul dans le corridor d'un hôpital
Photo: 123rf

En cette année difficile, la solitude aura fait partie des épreuves à surmonter pour plusieurs personnes. Certaines en ont pris l’habitude, d’autres le vivent plus mal, au point où cela peut affecter leur santé mentale — y compris des professionnels de la santé mentale.

«Exaspération, colère, irritabilité et déprime; le manque de soutien social affecte tout le monde, y compris les professionnels dont la tâche est de nous aider à aller mieux». C’est ce que résume la professeure du département de psychologie et directrice du laboratoire Trauma et résilience de l’Université du Québec à Montréal, Pascale Brillon.

Elle a mené une recherche visant à mesurer le niveau de détresse chez ces professionnels — psychologues, travailleurs sociaux, psychiatres, psychoéducateurs, intervenants en relation d’aide — par rapport à celui de la population générale, en ces temps de Covid.

Aussi déprimés que le reste de la population

Bientôt publiée, cette étude montre que les professionnels sont aussi déprimés et anxieux que tout le monde. Mais dans les zones rouges, ils le sont plus que la population générale. Ils se disent aussi plus souvent victimes d’irritations à Montréal qu’en région. «En général, ils s’en sortent mieux, car ils connaissent les ressources. Et pourtant, dans les zones à risque, ils s’en sortent aussi mal, car ils vivent des facteurs de stress importants, à commencer par la réorganisation du travail à distance», souligne la chercheuse.

Du côté de la solitude, elle constate que la majorité des 618 professionnels participants à l’étude se sentent encore plus seuls que les 712 autres personnes interrogées, peu importe dans quelle zone. Ceux de Montréal présentent aussi des taux de résilience plus bas que leurs collègues en région. La recherche a été menée avec des collègues du département de psychologie de l’UQAM, du Centre de recherche Douglas ainsi que de l’Institut universitaire de santé mentale de Montréal.

L’empreinte de la solitude dans le cerveau

Même le cerveau affiche une signature physique chez ceux qui ressentent avec acuité la solitude, révèle une autre équipe montréalaise. Leur récente étude, parue le 15 décembre dans Nature Communications, montre une forte activation de certaines régions du cerveau appelées «réseau cérébral par défaut» — des zones dédiées à la remémoration du passé et à l’évocation de souvenirs liés à la socialisation.

Une activité à laquelle se livrent plus souvent les personnes seules. «C’est une sorte de compensation en l’absence de stimulation au quotidien. Lorsque nous nous ennuyons des gens, nous nous plongeons dans notre imaginaire pour revivre des moments.» Les chercheurs ont remarqué que cette activité cérébrale était plus forte «chez les personnes âgées et les hommes», résume Nathan Spreng, professeur associé du Laboratoire du cerveau et de la cognition à l’Institut neurologique de Montréal.

En observant les données d’imagerie par résonance magnétique (IRM) de 40 000 participants de 40 à 69 ans, les chercheurs notent encore de très nombreux échanges de signaux entre ce réseau et l’hippocampe, une structure importante de la mémoire. Ils relèvent des différences au niveau des connexions neuronales et du volume du réseau cérébral par défaut. L’intégrité de ce réseau serait affectée — matière grise, matière blanche et connectivité.

Il n’existe cependant pas de lien causal avec l’isolement. Les chercheurs pensent que cette étude amène une piste de réponse quant aux changements qui se produisent dans le cerveau des personnes isolées. Le sentiment de solitude exacerbée est reconnu comme un prédicteur de nombreux problèmes de santé, de la baisse de la réponse immunitaire jusqu’aux troubles mentaux.

Rester connecté avec ses proches

Toutefois, avant de venir en aide à un proche, Pascale Brillon souligne qu’il importe de vérifier ce dont l’autre a besoin. Il faut qu’il y ait «une adéquation entre l’envie de recevoir et ce qui est reçu comme attention. Certaines personnes affirment ne pas en avoir besoin», rappelle-t-elle.

Par contre, ce n’est plus vrai que «ça va bien aller». Il faudrait plutôt affirmer aujourd’hui, après 10 mois de pandémie, que «nous allons traverser cela ensemble et prolonger notre soutien social auprès de ceux qui en ont besoin», souligne la spécialiste des traumas et de la résilience. Elle relève que le soutien social aux victimes de trauma et aux endeuillés dure généralement trois mois, une période courte et souvent insuffisante.

Car les effets négatifs de cette solitude risquent d’entraîner des impacts à long terme chez les plus isolés de la pandémie, à commencer par les personnes âgées. «Nous faisions déjà face à une pandémie de solitude avant la COVID-19. C’est extrêmement important de se sentir socialement connecté, c’est urgent de le reconnaître et d’agir à notre niveau en prenant des nouvelles par téléphone ou visioconférence des personnes les plus seules de notre famille ou de nos amis», remarque Nathan Spreng.

Sortir de l’isolement lié à la COVID-19 sera plus facile pour certaines personnes, pense le chercheur. Mais les populations vulnérables pourraient avoir besoin de soutien supplémentaire.

«Il faut être bienveillant avec les autres et avec nous-même. Et même si cela va moins bien, il faut continuer à maintenir notre réseau social», pense Pascale Brillon. Se concentrer sur autrui et cultiver un peu d’autodérision aiderait aussi à passer à travers cette période troublée. «C’est plus facile lorsqu’on relativise ce qui nous arrive, car nous sommes tous ensemble face à l’adversité».


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