Un dernier tchin avant l’aide médicale à mourir
Lise a appris en février 2021 qu’il lui restait une toute dernière bière à partager avec sa mère. C’est qu’après avoir été hospitalisée pour un problème sérieux au rein, cette dernière a demandé l’aide médicale à mourir.
«Pour moi, c’était difficile parce que je suis fille unique. Ma mère, c’est mon amie, c’est ma sœur, ma confidente, c’est tout ça dans une même personne. Je pleurais et elle me consolait», raconte Lise, émotive.
Le tout s’est passé à la fin du mois de janvier 2021, quand Rose-Aimée Bradette, la mère de Lise, a commencé à se sentir malade. Elle est donc allée à l’hôpital. Diagnostic: un abcès au cou. Quelques jours après, ses reins ont cessé de fonctionner, probablement à cause des médicaments qu’elle a dû prendre pour traiter l’abcès, croit le médecin.
Une semaine plus tard, malgré une opération, les médecins ont annoncé à la dame âgée de 80 ans qu’il n’y avait rien à faire pour remettre ses reins en marche. Son corps ne réagissait pas aux interventions.
La famille est venue la visiter à l’hôpital et, après ces rencontres, Rose-Aimée a mentionné au médecin qu’elle «était prête à partir», explique Lise, âgée de 56 ans.
Ce fut un choc pour Lise et son père en ce début février. Bien que Mme Bradette eût déjà mentionné que «si elle retournait à l’hôpital, elle ne retournerait pas chez elle, ce sera l’aide médicale à mourir», les deux membres de la famille ne pensaient pas que le tout se concrétiserait et se ferait si vite.
«Je suis arrivée à l’hôpital. Je me suis couchée avec elle. Je lui ai dit : “Tu sais, maman, ce n’est pas parce que je ne t’aime pas, ce n’est pas parce que je n’ai pas de peine, mais je vais accepter la décision que tu as prise d’aller te reposer”», se souvient Lise.
La dame – dont la santé était fragile depuis plusieurs années en raison d’un système immunitaire affaibli par la prise de médicaments pour traiter entre autres l’arthrose – a pu saluer tous ses proches. Certaines personnes qui habitaient loin lui ont envoyé des vidéos d’au revoir. D’autres ont fait des appels FaceTime avec elle pour lui souhaiter bon voyage, gestes qui ont apaisé Rose-Aimée.
J’ai une partie de moi qui s’est éteinte en même temps [que son départ].
Lise Boulanger
Un verre de bière, minou
La date de la procédure est annoncée: ce sera lundi à 14h.
Le samedi, à 48h de la fin, ses petits-fils, donc les enfants de Lise, viennent dormir avec leur grand-mère à l’hôpital. Le lendemain, dimanche, elle demande à prendre une bière. Un dernier verre qui lui sera octroyé.
«On lui a amené de la bière [une Bud Light, si Lise se rappelle bien]. Elle a pris sa bière, le médecin est entré dans la chambre et elle chantait Viens prendre un verre de bière mon minou», raconte Lise.
Une dernière nuit ensemble
Le dimanche soir, ce sont Lise et son père qui passent la nuit avec Rose-Aimée.
«Mon père tenait sa main toute la nuit et ils jasaient. Ils n’ont pratiquement jamais dormi.»
Lundi matin arrive. Dernière journée. Lise se souvient :
«Moi et l’infirmière, on lui a enlevé sa jaquette. On lui a mis une blouse. On l’a maquillée. On l’a peignée. Puis on a pris des photos, toute la famille ensemble. Mais là, ma mère commençait à cracher du sang.»
Le médecin reste donc alerte, près de la chambre.
Par la suite , «les travailleuses sociales sont venues nous jaser parce que la situation était trop difficile. Ce n’est pas la personne qui s’en va qui a de la misère, c’est la personne qui reste», témoigne Lise, bouleversée.
Il est 14h, c’est l’heure de procéder, tranquillement. Le médecin demande à la mère de Lise si elle est prête. Elle lui répond: «Je vais être prête quand tu vas m’avoir donné mon bec.»
Il se penche donc vers elle, la prend dans ses bras.
Quelques procédures ont lieu. La famille est dans la chambre. Une infirmière fait jouer la chanson Un jour à la fois, que Rose-Aimée chantait souvent.
«Lorsque le médecin a infusé le médicament, ma mère s’est mise à chanter Ce n’est qu’un au revoir, et elle s’est endormie.»
Lise tenait à raconter son histoire pour soutenir et accompagner celles et ceux qui restent, malgré qu’un.e des leurs décide de partir.