Oubliez Stormy Daniels et Michael Cohen – ce sont les comptables qui auront la tête de Donald Trump
Donald Trump est formellement inculpé de 34 chefs d’accusation pour falsification de registres d’entreprises à la suite d’une enquête sur des paiements occultes à trois personnes, dont une actrice porno.
L’ancien président américain a plaidé non coupable.
Les procureurs allèguent que Donald Trump « a falsifié à plusieurs reprises et frauduleusement des registres d’entreprise de New York pour dissimuler une conduite criminelle qui contenait des informations préjudiciables aux électeurs lors de l’élection présidentielle de 2016 ».
Il s’agit notamment d’informations sur les paiements effectués à la star de films pornos Stephanie Clifford alias Stormy Daniels, à la mannequin de Playboy Karen McDougal et à un ex-portier affirmant que son ancien patron de la Trump Tower avait eu un enfant hors mariage avec une femme de ménage.
Donald Trump est par ailleurs menacé pour d’autres affaires — pour avoir prétendument caché des documents gouvernementaux classifiés dans sa propriété en Floride, pour avoir tenté de manipuler le vote en Géorgie après l’élection présidentielle de 2020 et pour avoir encouragé l’insurrection du 6 janvier 2021.
Mais maintenant que des accusations formelles ont été déposées à New York, les procureurs suivent la piste comptable du paiement effectué à Stormy Daniels par l’homme de confiance de l’ex-président, Michael Cohen, l’ex-avocat déjà condamné pour crime et témoin clé de l’accusation.
Depuis 2016, ce paiement — effectué juste avant l’élection présidentielle — soulève des questions juridiques et éthiques. Y a-t-il eu violation des lois fédérales sur le financement des campagnes électorales, soit parce qu’il n’a pas été divulgué en tant que contribution à la campagne, soit parce que des fonds de la campagne auraient été utilisés pour régler une affaire privée ?
En 2018, Michael Cohen a finalement plaidé coupable sur huit chefs d’accusation pour lesquelles il a écopé de trois ans de prison.
Mais compte tenu de son dossier criminel, sa parole ne constitue pas le témoignage le plus solide. Les avocats de Donald Trump se feront un malin plaisir à attaquer la crédibilité d’un parjure, radié du barreau et qui sort de prison.
Cela signifie-t-il que Trump n’a rien à craindre ? Pas vraiment. Parce que cette fois, au vu de la nature des charges qui pèsent sur lui, il devra désormais composer avec des témoins autrement plus redoutables :les comptables.
La piste de l’argent
Dans les années 1920, c’est un comptable tenace qui a provoqué la chute du gangster Al Capone. Et dans les années 1970, c’est aussi en « suivant l’argent » que les journalistes ont révélé le scandale du Watergate.
Comment les comptables peuvent-ils décider du destin de Donald Trump ?
D’abord, grâce à un fait démontrable : l’ancien président est réputé ne pas payer ses factures. En 2016, USA Today rapportait que Donald Trump « a été impliqué dans plus de 3 500 procès » concernant des allégations de factures impayées sur trois décennies.
Selon le quotidien, ces accusations impressionnent par leur variété : une entreprise verrière, un marchand de tapis, des agents immobiliers, 48 serveurs, des barmans à la dizaine, des petits entrepreneurs et du personnel de ses hôtels.
Plus grave : Donald Trump aurait escroqué « plusieurs cabinets d’avocats l’ayant représenté dans ses procès », selon USA Today.
En outre, le journal indique que toutes ces allégations et ces affaires judiciaires suggèrent que « soit ses entreprises ont de mauvais antécédents en matière d’embauche de travailleurs et d’évaluation des entrepreneurs, soit elles ne respectent pas leurs contrats ».
Aujourd’hui encore, de nombreuses factures demeurent impayées — et continuent de s’accumuler.
Par exemple, certaines villes américaines — dont la ville de Wildwood, au New Jersey — affirment que Donald Trump leur doit toujours près de 2 millions de dollars pour des rassemblements remontant à 2016. Selon Fox Business, sa plate-forme de médias sociaux, Truth Social, aurait également arnaqué un entrepreneur, ce qui constitue un nouveau signe du désarroi financier de ce réseau censé rivaliser avec Twitter.
Le chèque à Michael Cohen
Lors du procès de Donald Trump à New York, les comptables n’auront qu’à poser la question qui tue. Étant donné que l’accusé refuse constamment d’acquitter ses factures et qu’il arnaque systématiquement ceux avec qui il fait affaire, comment se fait-il qu’il ait immédiatement envoyé un chèque de 130 000 dollars à Cohen sans même demander une facture détaillée ?
Dans ses premiers commentaires publics sur le scandale en 2018, Trump avait nié avoir eu connaissance du paiement à Stormy Daniels. Peu de temps après, il changeait son fusil d’épaule en admettant en avoir été informé, invoquant un accord de confidentialité pour mettre fin aux « accusations mensongères » visant à « l’extorquer ».
Ce qui importe ici, ce n’est ni ces louvoiements, ni même le témoignage de Michael Cohen sur l’objet du versement de 130 000 dollars. Ce qui sera déterminant pour l’affaire, c’est le fait que Donald Trump n’ait demandé ni preuve ni justificatif pour ce versement.
Pour accumuler 130 000 dollars d’honoraires facturables, Michael Cohen aurait dû travailler des centaines d’heures. Il est difficile de croire qu’un grippe-sou aussi notoire que Donald Trump n’ait posé aucune question, ni exigé aucun détail, ni ventilation et ni justificatif concernant une facture d’honoraire de 130 000 dollars et d’autres paiements onéreux.
Au cours des procédures judiciaires à venir, les comptables soulèveront cette question potentiellement accablante : pourquoi Donald Trump a-t-il acquitté une facture de 130 000 dollars si rapidement pour être ensuite la déclarée, dans les termes les plus vagues possibles, comme de simples honoraires d’avocat ?
Oubliez Stormy Daniels. Oubliez Michael Cohen. Voilà la question à laquelle Donald Trump ne veut pas répondre.
Jerry Paul Sheppard, Associate Professor of Business Administration, Simon Fraser University
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.