L’amour au temps du texto
Nous avons demandé à six personnes de générations différentes de nous parler d’amour. Voici ce qu’elles avaient à raconter.
Si quelqu’un vous intéresse, comment le lui faites-vous savoir?
Glenn Best, 28 ans : Je suis assez direct. Je n’ai pas peur de dire à quelqu’un qu’il me plaît. J’ai entretenu de nombreuses relations et, quand je suis intéressée, je ne passe pas par quatre chemins. Je n’aurais pas peur non plus de devenir physique rapidement avec une fille si je sens qu’elle en a aussi envie.
Rachel Remz, 31 ans : En général, je fais la folle et je parle à la personne sans arrêt. Je parle, je parle, je n’arrête pas.
Alice Barlow, 29 ans : Moi, je me soûle et je lui dis d’une façon vraiment négligée.
Frank Marchesa, 45 ans : Je ne sais pas vraiment. Ça fait bien longtemps; je suis marié depuis 21 ans.
John Killian, 61 ans : Eh bien, moi, je suis marié depuis 40 ans. J’étais le roi de «Homecoming» [une tradition dans les collèges américains], et je devais avoir une reine. Comme j’étais très timide et que je voulais me sortir de cette situation au plus vite, je me suis dit que j’allais demander à une fille qui me dirait non. Elle a dit oui; c’est ma femme.
Comment dites-vous la première fois à quelqu’un que vous l’aimez?
Frank : J’imagine que je l’ai simplement dit. Il n’y avait rien de spécial.
George Haeberlein, 67 ans : C’est sorti une fois, comme ça. Je crois que ce n’était pas prémédité. Ça s’est fait spontanément.
Rachel : En général, on est souls et je lui dis «Oh mon Dieu, je t’aime» pendant qu’on s’envoie en l’air.
Alice : Moi, je fais la chose la plus fifille qui soit. On vient de faire l’amour et je me compose le visage le plus mignon possible, et je dis : «Je t’aime.»
John : Eh bien, pour ma part, je l’ai sans doute dit pour pouvoir faire l’amour. Je devais le dire pour pouvoir coucher.
Quel est votre moyen privilégié pour communiquer avec la personne que vous aimez?
John : C’est le téléphone. Je voyage beaucoup. Je ne communique pas avec elle sur Facebook ou un autre réseau social.
Frank : Je l’appelle et je la vois en personne. Il y a aussi beaucoup d’appels téléphoniques.
Rachel : Moi, je texte. J’envoie des messages textes tout le temps. Quand un gars m’intéresse, mes amis le savent; ils reçoivent des millions de textos. Et maintenant, je vais même leur envoyer des photos Instagram.
Alice : Pour moi, c’est en personne. Si je fréquente quelqu’un, je lui envoie plein de textos pendant la journée, mais ensuite, j’essaie de le voir en personne.
Glenn : Je dirais en personne. Je suis quelqu’un qui aime être en présence de l’autre. Mais envoyer des messages textes arrive tout juste après.
Comment savez-vous que vous êtes amoureux?
George : Nous nous connaissons si bien, nous pouvons anticiper. On n’a parfois pas besoin de parler pour se comprendre.
Frank : À mon avis, on le sait parce qu’on a tout le temps envie de voir l’autre. Ouais, c’est ça.
John : Vous savez que vous voulez être avec une personne quand vous n’êtes pas avec elle, et vous avez hâte de la voir.
Glenn : C’est une chose émotive; je crois que c’est ça l’amour. On peut y réfléchir à plus finir; moi, j’écoute mes sentiments. C’est quelque chose qui se sent.
Rachel : Pour moi, c’est cette impression de couler. Et vous savez comment je le sais? Les hommes sont tellement faux, ils font des choses tellement affreuses. C’est terrible – mais moi je me laisse avoir, je plonge.
Alice : Je le sais parce que j’arrête d’appeler mes amis.
Quelle est l’incidence du textage sur les rapports amoureux?
Rachel : Ça a rendu les choses moins romantiques. Parfois, je rencontre un gars qui m’intéresse, nous nous envoyons plein de messages textes tout le temps, c’est épatant. Et puis, en personne, il n’y a plus de… chimie textuelle.
Alice : C’est devenu fou, il y a beaucoup trop de contrôle. Avant, on pouvait dire des bêtises et se demander : «Oh merde, est-ce que j’ai dit quelque chose de bizarre? Est-ce que j’ai tout bousillé?» Maintenant, tout est hyper contrôlé à cause des textos. Tout est sécuritaire et beaucoup moins amusant. Le plaisir est dans le risque.
Glenn : À mon avis, ça modifie les rapports quand on est face à face, parce qu’on a désormais la possibilité d’être en contact avec l’autre en tout temps et de manière assez poussée. Je pense que ça réduit la pression. Être sans cesse capable de se connecter aux autres réduit la pression qui existe sur le moment quand on est en personne avec quelqu’un – est-ce que ce que je viens de dire était clair?
John : Ça ouvre des perspectives, mais ce que je dis là est très personnel.
George : Il semble qu’il y ait moins de contact.
Selon vous, les jeunes sont-ils plus romantiques que les membres de votre génération ou le sont-ils moins?
Frank : Pour être honnête avec vous, je crois qu’ils sont un peu largués. Ils ne semblent pas saisir le portrait d’ensemble.
John : Je crois que, dans mon temps, il s’agissait davantage de faire la cour et de fréquenter quelqu’un, plutôt que de le rencontrer en groupe comme aujourd’hui.
George : C’est beaucoup plus difficile qu’avant. Enfin, pas difficile, différent. On ne développe plus de lien fort avec l’autre.
Et pensez-vous que les gens plus âgés sont plus romantiques que les membres de votre génération ou qu’ils le sont moins?
Glenn : Ce sont des époques différentes, et il y a donc des comportements différents. C’était une autre façon de faire la cour, mais je pense bien que c’était plus romantique.
Rachel : Je dirais les deux. Parce qu’il y a, à un certain degré pour notre génération, l’impression que tout est temporaire à cause de l’internet. Dans la génération de nos parents, les gens restaient unis et traversaient les épreuves ensemble. Maintenant, s’il y a une épreuve, tout le monde s’en va en courant.
Le romantisme est-il mort?
Alice : Oh que oui!
Rachel : Je suis, en apparence, la personne la moins romantique que vous rencontrerez de votre vie, mais bizarrement, je crois que le romantisme est vivant. À mon avis, les gens sont capables de faire des choses adorables les uns pour les autres. Et c’est tout simplement fantastique quand quelqu’un le fait pour vous.
Frank : Ça brouille tout; la technologie détruit le romantisme, du moins pour moi. Facebook, je pense, détruit ça. La spontanéité est la chose la plus importante dans une relation. Sortir manger sur un coup de tête, sauter dans la voiture et partir en vacances. N’importe quoi, partir une fin de semaine. Je ne sais pas si ce genre de chose se produit encore.
Glenn : Le romantisme ne mourra jamais. C’est une chose profondément enracinée dans la nature humaine. Ça existe encore, mais sous une forme différente.