Les trahisons institutionnelles
CHRONIQUE – La semaine dernière, la Cour supérieure du Québec a autorisé un recours collectif contre des religieux, les Missionnaires Oblats de Marie-Immaculée. La nature de ce recours concerne des agressions sexuelles qui seraient survenues dans des communautés autochtones sur une période de plusieurs décennies, soit de 1940 à 2018.
Avec un nombre aussi important de victimes – plus de 200 se sont manifestées à ce jour aux avocats –, il est difficile de prétendre que personne ne savait rien ou ne se doutait de rien.
Ce réflexe qu’ont les institutions à se replier sur elles-mêmes plutôt que de protéger l’intégrité physique et psychologique des membres de sa communauté, même lorsqu’il s’agit de leur responsabilité légale et morale, en dit long sur notre société et la valeur qu’elle accorde aux personnes survivantes, et ce, peu importe leur identité ou genre.
Cette fâcheuse tendance, documentée par plusieurs chercheur.e.s, constitue une «trahison institutionnelle», soit une violence en soi, à part entière, tout aussi dommageable sinon davantage que des agressions sexuelles subies de la part d’un ou de plusieurs individus.
Il n’y a rien de pire que de subir une atteinte profonde à son intégrité, puis de se tourner vers une institution, qu’elle soit juridique, scolaire, académique, sportive, communautaire ou professionnelle et j’en passe, en espérant – naïvement – qu’elle saura nous épauler.
L’Histoire a plutôt démontré le contraire. Tel un secret de Polichinelle, l’institution fait le plus souvent le choix de se protéger elle-même, ses intérêts et son image, et ce, au détriment de celles et ceux qu’elle prétend défendre. C’est particulièrement le cas faute de protocoles et de formations obligatoires et récurrentes sur la manière de recueillir et de recevoir des dévoilements de violences sexuelles.
J’ai soif d’une société qui sait parler vrai, même devant le laid, le difficile, ce qui choque et indigne. J’ai soif de leaders qui savent s’excuser sincèrement, et non pas à coup de stratégies de relations publiques. Malheureusement, j’ai rarement entendu dans ma vie des gens qui savent s’excuser d’une manière qui a profondément du sens pour les personnes lésées.
J’ai envie d’institutions qui sauront reconnaître leur responsabilité pleine et entière devant l’évidence. Tout simplement par réflexe d’empathie et de transparence. Par souci pour la vérité. Par décence humaine.
Mon souhait apparaît utopique précisément en raison de la culture du viol. N’en déplaise à certains humoristes du Québec que je ne nommerai pas. C’est le fait de vivre dans une société qui déresponsabilise les auteurs de violences sexistes et sexuelles qui jette insidieusement la honte sur les victimes.
Lorsqu’une institution fait le choix de demeurer «neutre» face à l’injustice et qu’elle attend un scandale pour faire semblant de s’excuser publiquement, c’est qu’elle a choisi son camp. Mais surtout, elle souligne alors, sans le vouloir, ses biais, sa lâcheté et son manque de vision, et ce, à gros traits.