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Apprivoiser son identité quand on est adoptée

Les visages de l’adoption

Alexandra Bilodeau est née en Chine dans les années 90. Alors qu’elle n’a aucun souvenir des mois qu’elle a passés au Xiangtan Social Welfare Institute, l’orphelinat où elle a été adoptée à un très jeune âge par des parents québécois, elle s’accroche aux anecdotes que ces derniers lui ont transmises à propos de son adoption.

«J’avais environ 11 mois lorsque mes parents m’ont adoptée, mais comme il n’y avait aucun document avec moi lorsqu’on m’avait trouvée proche d’une station de police, on ne peut pas confirmer ma date de naissance», raconte-t-elle.

Image du passeport chinois d’Alexandra Bilodeau. Photo : Gracieuseté

En contact très tôt avec sa culture d’origine

Alors que les parents adoptifs d’Alexandra ont tenté d’incorporer la culture chinoise dans son quotidien durant son enfance, elle a plutôt préféré se distancier de ses origines jusqu’à son adolescence, notamment en raison des stéréotypes véhiculés à l’égard des personnes d’origine asiatique.

Elle conserve toutefois de bons souvenirs des visites régulières au quartier chinois de Montréal avec ses parents et sa sœur Shenxi, adoptée en Chine elle aussi.

«Mes parents ont toujours voulu qu’on reste en contact avec notre culture d’origine. Ils nous ont introduites aux mets chinois dès notre jeune âge et ils ont même essayé de nous convaincre d’aller à l’école pour apprendre le mandarin ou le cantonais, mais ça n’a pas marché», raconte la femme de 33 ans.

Alexandra Bilodeau avec sa soeur Shenxi. Photo : Gracieuseté

Alexandra dit avoir été à l’abri des questions indiscrètes sur ses origines à l’école primaire, puisqu’elle a fréquenté une école primaire aux côtés de plusieurs autres enfants adoptés de la Chine. Toutefois, à l’extérieur de l’école, elle a été confrontée aux questions intrusives qu’on lançait à ses parents.

«Les gens demandaient à nos parents où ils nous avaient prises, combien nous avions coûté, si on était bouddhistes, etc. C’était assez violent!»

C’était difficile pour moi de me relier à mes origines chinoises parce qu’on m’a tellement ostracisée à cause de mon apparence.

Alexandra Bilodeau, adoptée à Xiangtan, en Chine

«C’est devenu du ‘’self-hate’’, dans une certaine mesure, et j’ai voulu me distancier de mes origines.»

À l’école secondaire, alors qu’elle cherchait à se protéger du racisme, Alexandra s’est efforcée d’avoir une apparence qui correspondait à son identité québécoise, dans laquelle elle se reconnaissait davantage que dans son identité chinoise.

«Je voulais que ma personnalité démontre comment j’avais été élevée», explique-t-elle.

Alexandra Bilodeau avec sa mère adoptive. Photo : Gracieuseté

Retour aux sources

C’est uniquement lorsqu’elle a entamé ses études collégiales à Saint-Lambert, puis lors de ses études universitaires à Montréal, entourée de jeunes issus de diverses origines ethnoculturelles, que son rapport à son adoption a changé. Dès lors, elle a commencé à apprivoiser sa dualité identitaire et à s’intéresser à ses origines.

La mentalité des personnes adoptées change avec le temps. Elle est souvent influencée par notre entourage.

Alexandra Bilodeau, chargée de projet à l’organisme L’Hybridé

Le fait de constater à quel point les gens présumaient qu’elle n’était pas Québécoise en se basant uniquement sur ses traits physiques l’a motivée à en apprendre plus sur l’histoire des vagues d’immigration chinoise, japonaise et vietnamienne au Québec.

«Je trouve ironique, d’ailleurs, que la devise principale au Québec soit ‘’Je me souviens’’, mais qu’on ne se souvient pas et qu’on n’enseigne pas l’histoire des vagues d’immigration haïtienne, italienne, chinoise ou vietnamienne, au-delà de l’histoire des colons anglais et français», soutient-elle.

Alexandra Bilodeau avec sa famille adoptive. Photo : Gracieuseté

En apprendre plus sur elle et sa famille

Alexandra a effectué un test d’ADN plus tôt cette année afin d’en savoir plus sur ses antécédents familiaux et son bagage génétique, espérant parallèlement pouvoir retracer un membre de sa famille biologique.

«C’est très difficile de retrouver ses parents biologiques en Chine, parce que, souvent, les papiers sont faussés ou la situation peut être complexe», déplore-t-elle.

Elle nous confie avoir été déçue d’apprendre le résultat de ce test, qui était non concluant. «Je suis curieuse d’en savoir plus sur mes parents et j’aimerais même les retrouver, mais je me retiens d’effectuer d’autres recherches par peur d’être encore déçue.»

Elle caresse toutefois le rêve de retourner en Chine un jour pour visiter son orphelinat et peut-être rencontrer l’homme qui a eu l’intention de l’adopter il y a plus de 30 ans, un employé de l’établissement, d’après ce que ses parents lui ont raconté. «C’est un projet à venir!»

Alexandra Bilodeau est aujourd’hui chargée de projet à L’Hybridé, organisme à but non lucratif qui promeut la rencontre, la discussion et l’empowerment personnel et collectif de personnes adoptées adultes, tout en favorisant leur développement identitaire.

Ce texte a été produit dans le cadre de L’Initiative de journalisme local.

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