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Rencontrer sa famille d’origine quand on est adopté

Les visages de l’adoption

Durant son enfance et son adolescence, Guillaume Lapointe-Bédard n’a pas ressenti le besoin de se rapprocher de ses racines latino-américaines. Toutefois, un profond questionnement identitaire dans sa jeune vingtaine a éveillé en lui le désir de rentrer au bercail, en Colombie, et de retrouver sa famille biologique.

Né à Bogotá en 1991 et adopté à l’âge de six mois, Guillaume estime avoir eu une enfance heureuse à Farnham, aux côtés de ses parents adoptifs et de sa sœur cadette de cinq ans, adoptée au Guatemala.

Ayant grandi en région, au Québec, il n’a pas eu l’occasion de côtoyer sa culture d’origine, jusqu’à ce qu’il déménage à Montréal pour poursuivre ses études postsecondaires.

«Beaucoup de gens m’abordent en parlant en espagnol dans la rue ou à l’épicerie, étant donné mon aspect physique. Mais je ne parle pas [l’espagnol]. Ça fait partie des petites choses qui m’ont amené à me questionner sur mon identité, à un moment donné», raconte celui qui a «navigué entre plusieurs programmes d’études» avant d’arriver à trouver sa vocation professionnelle.

Je me suis rendu compte que je ne savais pas ce que je voulais faire dans la vie, parce que je ne savais pas qui j’étais vraiment. C’était comme une pièce manquante.

Guillaume Lapointe-Bédard
Guillaume Lapointe-Bédard lors de son premier voyage en Colombie, en 2015. Photo : Gracieuseté

Retour aux sources

En 2015, alors qu’il avait 23 ans, Guillaume a décidé d’entreprendre son premier voyage en Colombie.

Il a aimé visiter plusieurs villes de son pays d’origine et rencontrer des gens chaleureux pendant son séjour d’un mois. Mais c’est la visite de son orphelinat, à Bogotá, qui a marqué un tournant dans son parcours.

«Ce voyage a été révélateur pour moi. C’est comme si en voyant ma première maison, mon histoire se concrétisait.»

«J’ai fait une belle introspection sur la personne que j’étais et sur ce que je voulais faire dans la vie.» Il a alors décidé d’entamer une carrière dans le domaine de l’intervention et du travail social.

Un premier rendez-vous par vidéoconférence

Quatre ans se sont écoulés avant que Guillaume Lapointe-Bédard décide d’entamer des démarches afin de retrouver sa famille biologique, et il a dû attendre encore deux ans avant de pouvoir la rencontrer.

«Mon cœur battait fort!» lance-t-il en se remémorant le moment où il a vu pour la première fois sa famille colombienne par vidéoconférence durant la pandémie, en 2021.

J’ai vu ma mère à l’écran, toute frêle, avec de belles pommettes et de belles rides. Je me suis dit: “Mon Dieu, c’est ma mère biologique!” Je n’en revenais pas.

Guillaume Lapointe-Bédard, né à Bogotá, en Colombie

Il confie avoir été ravi de constater sa ressemblance avec sa sœur et son frère aînés. «Mon frère et moi, nous nous ressemblons comme deux gouttes d’eau!»

Guillaume Lapointe-Bédard avec sa mère biologique en Colombie. Photo : Gracieuseté

Après cette première rencontre, Guillaume a continué à tisser des liens avec sa famille biologique à distance. Puis, en juin 2022, il a décidé de s’envoler à nouveau vers la Colombie.

«Ç’a été long avant de les rencontrer en personne, mais c’était important pour moi de respecter mon processus et mon cheminement personnel», confie-t-il, en se remémorant avec enthousiasme et fébrilité le moment des retrouvailles avec sa fratrie et avec sa mère à l’aéroport de Bogotá.  

«J’ai aperçu ma mère, toute frêle, toute gênée, cachée derrière un gardien de sécurité. Je l’ai serrée très fort et je lui ai dit que je l’avais cherchée toute ma vie et que je ne la lâcherais plus.»

Guillaume Lapointe-Bédard (à droite) avec son frère et sa soeur biologiques, en Colombie. Photo : Gracieuseté

Préparer les parents

Alors que Guillaume accueille aujourd’hui sa dualité identitaire et chérit les liens qu’il entretient avec ses deux familles, il tient à soulever l’importance de bien préparer les parents adoptants à l’éventuel retour aux origines de l’enfant adopté.

«Ça peut soulever des enjeux émotionnels ou des conflits de loyauté. Ce sont des émotions légitimes et justifiées, mais c’est important d’en parler», soutient le technicien en travail social au CISSS de la Montérégie-Est.

L’adoption n’est jamais close, c’est un cheminement constant.

Guillaume Lapointe-Bédard

Il réitère l’importance du travail des organismes et des entités gouvernementales dans la mise en place et l’amélioration des stratégies et des services de soutien pour les familles concernées par l’adoption internationale.

«L’adoption touche bien des familles au Québec, alors c’est important d’aborder les enjeux que cela peut soulever pour la triade adoptive [personne adoptée, parent adoptant et parent biologique], parce que cela touche aux émotions de tout le monde», conclut-il.

Guillaume Lapointe-Bédard est aujourd’hui membre et administrateur de l’organisme québécois à but non lucratif L’Hybridé, qui offre un «espace de socialisation, d’expression et de représentation» aux personnes adultes adoptées.

Cette entrevue a été réalisée à la librairie O-Taku, sur le Plateau-Mont-Royal.

Ce texte a été produit dans le cadre de L’Initiative de journalisme local.

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