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Nous avons choisi d’accoucher à la maison 

Je vais bientôt devenir papa, et avec ma blonde, on a opté pour un suivi en maison de naissance et l’accouchement à la maison. Nous ne sommes pas suivis par des médecins ou des infirmières, mais plutôt par des sages-femmes, et à moins qu’il y ait des complications ou que ma blonde change d’idée, l’accouchement aura lieu chez nous, sans intervention médicale. 

L’annonce d’une grossesse provoque toujours son lot de réactions : il y a les conseils non sollicités, les commentaires sur la prise de poids et les inévitables touchers de bedaine. Quand on décide de ne pas accoucher à l’hôpital, il y a aussi les réactions de peur ou de surprise. Et bien que les premières maisons de naissance aient été intégrées au réseau de la santé il y a une trentaine d’années, ce type de suivi de grossesse est encore assez marginal.  

La demande pour les suivis en maison de naissance est si supérieure à l’offre que le service ne fait pas l’objet de publicité. Nous n’aurions d’ailleurs sûrement pas envisagé un suivi en maison de naissance si une de nos amies n’en avait pas fait l’expérience l’année dernière. Dès que nous avons su que nous allions devenir parents, nous nous sommes inscrits à la maison de naissance Marie-Paule-Lanthier, intégrée au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal. Après une rencontre d’information qui nous a permis de mieux comprendre dans quoi nous nous embarquions, nous avons décidé que c’était le suivi pour nous et nous avons eu la chance d’obtenir une place. 

Quelle différence par rapport à un suivi à l’hôpital ou en clinique? 

Comme toutes les maisons de naissance au Québec, la maison de naissance Marie-Paule-Lanthier offre des suivis de maternité complets. C’est un service gratuit et ouvert à tous, à condition que la grossesse soit normale, ce qui est le cas pour environ 80% d’entre elles. Nous avons le choix d’accoucher à la maison de naissance, à l’hôpital, ou à domicile. Deux sages-femmes sont affectées à notre suivi. Celles-ci peuvent être jointes 24h sur 24h pour des urgences. 

Nos sages-femmes nous expliquent les raisons et les méthodes de chaque test ou examen proposé en détail.  

Nos visites à la maison de naissance durent environ une heure, ce qui nous permet d’aller au-delà de l’aspect médical de la grossesse et d’apprendre à connaître nos sages-femmes. Les aspects émotionnels, culturels, spirituels et psychologiques de la grossesse peuvent tous être abordés. 

Pourquoi choisir la douleur? 

La plus grosse différence par rapport à un suivi à l’hôpital ou en clinique, c’est que lorsqu’on choisit d’accoucher à la maison de naissance ou à domicile, il n’y a pas de soulagement pharmacologique de la douleur possible durant l’accouchement. Pas de narcotiques, pas de péridurale. 

Marie-Pier Mainville, responsable des sages-femmes de notre maison de naissance, fait valoir qu’il y a des avantages à ressentir la douleur lors de l’accouchement. « Elle amène de l’information nécessaire à la personne qui accouche. L’intensité des contractions va lui permettre de prendre différents types de positions.»  

 Si on ne ressent pas ces contractions-là, comment fait-on pour instinctivement prendre certaines positions qui vont permettre au bassin de s’ouvrir de façon optimale et au bébé de descendre dans son grand chemin de façon optimale? 

Marie-Pier Mainville, responsable des sages-femmes de la Maison de naissance Marie-Paule-Lanthier  

Une personne qui accouche sans ressentir la douleur va généralement choisir d’être couchée sur le dos, poursuit-elle. Or, dans cette position, le corps donne moins d‘indices sur la façon de se placer pour favoriser la descente du bébé. L’espace dans le bassin est réduit, puisque le sacrum, qui doit pouvoir basculer vers l’arrière pour donner de la place au bébé, n’a plus aucune mobilité.  

De plus, plusieurs positions verticales mettent à profit la force de la gravité pour encourager le bébé à sortir. Quand la personne est couchée, ce n’est pas le cas. 

J’ai aussi appris que le corps peut sécréter ses propres analgésiques. Lors d’un accouchement, des hormones comme l’ocytocine ou les endorphines sont sécrétées en abondance, créant un cocktail hormonal qui permet à la personne qui accouche de gérer la douleur et de laisser son corps la guider, à condition qu’elle se sente en sécurité.

Avant l’époque moderne, la majorité des accouchements étaient pris en charge par des sages-femmes, au domicile des familles. Puis, au début des années 1900, alors que la mortalité infantile et maternelle était très élevée, les sociétés occidentales ont commencé à médicaliser les accouchements. Progressivement, ils ont été encadrés par des médecins en centre hospitalier. À partir du milieu du 20e siècle, il était courant pour les femmes d’accoucher complètement endormies, sur le dos et attachées, et jamais en présence de leur conjoint.   

Dans les années 70, des groupes citoyens ont réclamé plus de naissances plus humaines. 

Les premières maisons de naissance ont ouvert leurs portes au Québec dans les années 90, et en 1999, l’Ordre des sages-femmes a été créé. 

Et l’hôpital? 

Ma blonde n’aime pas les visites à l’hôpital, mais quand on se prépare à un accouchement naturel, il faut aussi envisager que notre plan ne se passe pas comme prévu, et qu’on doive être transféré en centre hospitalier. Si c’est le cas, nous irons à l’hôpital du Sacré-Cœur. J’y ai rencontré Sophie Turcotte, cheffe intérimaire de l’Unité mère-enfant et infirmière de formation. J’étais curieux de savoir comment les pratiques médicales avaient évolué depuis qu’elle était dans le milieu.  

«Ce que je trouve qui est le plus marqué, c’est la volonté des médecins d’écouter les familles, de développer tout ce qui est non pharmacologique, qu’on parle de réduction des injections ou de réduction des césariennes, explique-t-elle. Si on recule de plusieurs années, c’était normal de planifier un déclenchement artificiel du travail, même s’il n’y avait pas tant de raisons que ça. Aujourd’hui, l’équipe médicale est beaucoup plus conscientisée.» 

L’unité mère-enfant qui a ouvert ses portes l’été dernier est construite d’après le modèle TARP, pour «travail, accouchement, récupération, post-partum». Les chambres de l’unité sont conçues pour accueillir les familles et leurs visiteurs, avec des espaces adaptés pour le soulagement non pharmacologique de la douleur, comme des bains thérapeutiques géants. Chaque chambre dispose également de sa propre salle de bain et d’équipements tels que des ballons, des coussins et des barres de suspension pour encourager la mobilité des patientes. 

Le Québec amateur de césariennes et de péridurales 

Le Québec est le champion canadien de l’anesthésie péridurale. En 2021, le taux était de 74%, alors que la moyenne nationale était de 62%. Le taux de césarienne, lui, se situe autour de 25%, alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande plutôt un taux se situant entre 10 et 15%.  

«Que vous décidiez d’accoucher à l’hôpital sous les soins d’un médecin, omnipraticien, gynécologue ou avec une sage-femme, ce qui est important, c’est l’accompagnement que le professionnel vous offre pour vous permettre de comprendre quels sont vos choix», estime Marie-Pier Mainville.  

Aujourd’hui, environ 25% des femmes souhaiteraient accoucher dans un lieu autre que l’hôpital, selon un sondage SOM mené pour le ministère de la Santé et des Services sociaux. Mais comparativement aux autres provinces qui ont légalisé les maisons de naissance en même temps, le Québec tarde à développer son offre. La Colombie-Britannique compte environ 25% de suivis de grossesse en maison de naissance, l’Ontario en recense environ 15%, tandis que nous n’en sommes qu’à 5%.  

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