Soutenez

Être ou ne pas être un goon

Ottawa Senators' Zack Smith (15) collides with Montreal Canadiens' Atturi Lehkonen (62) during second period NHL hockey action, in Ottawa on Saturday, October 15, 2016. THE CANADIAN PRESS/Fred Chartrand Photo: Fred Chartrand/La Presse Canadienne

L’amateur de hockey s’est fait aller la glotte dans la langue de Molière et de Shakespeare cette semaine à la suite du deuxième match de Canadien en saison régulière, alors que Zack Smith, des Sénateurs d’Ottawa, a renversé Andrei Markov qui était comme un vélo dans le chemin de Smith qui rentrait au banc.

Le problème, c’est que Max Pacioretty, capitaine de Canadien, est passé près de la scène tout juste après l’impact, l’air de se dire, «le hockey, c’est un sport de contact, Pierre». Il n’en fallut pas plus pour que Pierre, Jean, Jacques et Peter, John et Jack écrivent sur Twitter qu’il s’agissait-là d’un affront à la culture de motté-jambon-douch de l’amateur de hockey, selon laquelle quand ton chum se fait faire mal, faut que tu fèses mal à celui qui a faite mal à ton chum.

Mais Max Pacioretty n’est pas un goon. Encore pire, diront certains, il n’a pas l’esprit du goon. Non, c’est bien vrai: Pacioretty a l’esprit fin du pudique. Bien sûr, Pacioretty est un humain, et lorsque Zack Smith a renversé Markov, c’est tout son corps qui fut envahi d’une pulsion de mort qui le poussa à lui casser son bâton sur la tête, mais en même temps, son esprit lui tendit la main de la retenue, se rappelant que la pudeur, comme le disait le philosophe allemand Max Scheler, est «l’esprit qui rougit du corps». Lui casser son bâton sur la tête l’aurait probablement fait basculer dans un excès de pudeur, c’est-à-dire de honte, et Max ne voulait pas ça.

Par ailleurs, Gaston Therrien en a surpris plus d’un à L’antichambre après le match en affirmant que, par sa non-réaction, Max Pacioretty a fait preuve de courage, laissant immédiatement croire aux autres membres du panel qu’il venait de nouveau de balancer une insignifiance en pleine télévision. Mais au contraire. Gaston Therrien a même cité Aristote (en fait, il a dit Aristrote, mais il est pardonné, vu l’effort) en rappelant qu’une vertu, c’est la juste mesure entre un vice par manque et un vice par excès et que la vertu du courage ici avait été honorée par Pacioretty en ne tombant pas dans le piège de la paresse (ne rien faire) ou encore dans celui de la témérité (casser la gueule à Zack Smith avec son bâton). Pacioretty, en capitaine courageux, s’est plutôt contenté d’un petit coup de bâton dans le dos de Zack Smith en lui chuchotant à l’oreille: «Hey l’ami, on est ici pour jouer au hockey. Voudrais-tu respecter davantage Marky la prochaine fois?» La juste mesure, quoi.

Cette réflexion philosophique me donne d’ailleurs une idée de génie, qu’un producteur télé s’empressera de récupérer, j’en suis certain, tellement elle est bonne : développer une émission de débats intellectuels et sportifs après les matchs de Canadien. Ce ne sont d’ailleurs pas les intellectuels fans de hockey qui manquent au Québec: Gabriel Nadeau-Dubois, Matthieu Dugal, Daniel Weinstock, Serge Bouchard, Jean Dion, Normand Baillargeon. L’essayiste et militante féministe Aurélie Lanctôt, fan de Canadien elle aussi, pourrait très bien faire office de Chantal Machabée.
On propose que l’émission s’intitule CHétorique.

Articles récents du même sujet

/** N3 */

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.