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En planche à roulettes, «les filles sont là pour rester»

Louise Hénault-Ethier, Hollywood Californie, 2000 Photo: Luciana Ellington/Gracieuseté

La planche à roulettes (ou skateboard) a fait son entrée dans la cour des grands pour la première année aux JO de Tokyo. Le podium de la discipline a mis en lumière plusieurs figures féminines. Les planchistes s’affrontent jusqu’au 4 août dans deux catégories de la discipline: le park (ou bowl) et le street (parcours de rue).

Jadis considéré comme un sport d’adolescent rebelle, l’entrée d’un sport et d’une culture informelle telle que le skateboard aux Olympiques marque un tournant pour la discipline. Une entrée d’autant plus remarquable que le podium de street — où les planchistes enchaînent des figures sur un parcours de différents modules — comporte les médaillées féminines les plus jeunes.

En effet, la médaillée d’or japonaise, Momiji Nishiya est âgée de 14 ans et Rayssa Leal, médaillée d’argent brésilienne à seulement 13 ans.

Alors que les épreuves de «park» se déroulent ce soir à 19h, Métro a rencontré Louise Hénault-Éthier, analyste des épreuves de skate aux JO, ancienne planchiste professionnelle et chercheuse à l’Institut de national de la recherche scientifique (INRS), afin d’en savoir plus sur l’entrée du skate dans l’arène olympique et sur la place des skateuses dans la discipline.

«Les Jeux olympiques avaient plus besoin du skateboard que le skateboard des Jeux olympiques.»

Louise Hénault-Éthier, analyste des JO de skateboard, ancienne skateuse professionnelle et chercheuse à l’INRS en sciences environnementales.

Selon Louise Hénault-Éthier, qui a fréquenté le circuit des compétitions internationales de skate dans les années 2000, la planche à roulettes participe à un renouvellement des disciplines présentes aux JO qui doivent évoluer et s’adapter à leur époque, afin que les JO conservent «leur caractère rassembleur», surtout auprès de la jeunesse.

L’analyste souligne néanmoins un bémol au pointage des épreuves qui l’a choqué. Les notes des femmes étaient inférieures aux hommes, car elles choisissent des parcours «moins gros». Elles étaient pourtant jugées sur la même échelle. En parcours (street), la championne explique que «ce que l’on recherche c’est la constance de quelqu’un, sa fluidité, la diversité des figures», alors que dans les épreuves olympiques, dans un format de 45 secondes, on veut voir ce qu’il y a de plus spectaculaire. Le format retenu n’a donc pas servi les femmes.

Elle aurait également souhaité voir plus de sous-catégories dans la discipline, comme c’est le cas en natation. On a «perdu un peu la flamme anticonformiste avec l’harmonisation des notes et la structure des épreuves de 45 secondes», ajoute-t-elle.

Les skateuses en haut de la rampe

L’ancienne planchiste, originaire d’Ahuntsic a décidé, à l’âge de 12 ans de se lancer un nouveau défi sportif alors qu’elle pratiquait déjà le snowboard: ce sera le skateboard et ses débuts n’ont pas été faciles.

«C’est le sport le plus difficile que j’aie jamais fait», explique Louise Hénault-Éthier. En plus des chutes omniprésentes en planche, Louise a dû essuyer des commentaires, des phrases difficiles et s’est même fait casser sa planche. Mais Louise n’a pas lâché son skate et l’intimidation a plutôt alimenté ses efforts «Ça m’a fait persévérer encore plus.»

«Le skate ça ne cadrait pas avec la perception des femmes dans la société, ça ne cadrait pas dans l’imaginaire, même s’il y a toujours eu des filles il y avait toujours plus de garçons qui voulaient garder leur monde de gars.»

Louise Hénault-Éthier, analyste des JO de skateboard, ancienne skateuse professionnelle et chercheuse à l’INRS en sciences environnementales.

Louise rapporte même qu’une expression qualifiait les filles qui faisaient du skate de poser, c’est-à-dire qu’elles feraient du skate pour faire comme les garçons. Un peu comme si les planchistes féminines devaient justifier leur passion de la planche par une volonté d’imiter les garçons.

Cela a poussé les skateuses à se réunir. Mme Hénault-Éthier a ainsi fondé en 2002 le collectif «les SKIRTBOARDERS».

Membres fondatrices du collectif SKIRTBOARDERS: Louise Hénault-Éthier (2e en partant de droite en avant) avec Rebecca Filion, ancienne diplômée de l’INRS, (3e en partant de droite), Annie Guglia (au fond, derrière Rebecca Filion).

D’un point de vue physique, la chercheuse ajoute que «le centre de gravité des femmes étant plus bas, cette différence physique peut changer la façon de performer dans ce sport.» De plus, les femmes peuvent adopter un style différent explique Louise, celui-ci est plus centré sur la créativité et la fluidité et moins sur le spectaculaire.

Bien que «les hommes dominent encore la discipline, les JO ont mis en avant l’enjeu de la parité», souligne Louise Hénault-Éthier. Si les femmes sont toujours en minorité dans le sport, elles font évoluer la discipline; les choses changent.

Un sport à l’image d’Annie Guglia, skateuse montréalaise et 24e au classement mondial, qui a participé aux épreuves de street, qui représente, selon Louise Hénault-Éthier, une héroïne locale, dévouée à l’essor du sport, surtout pour les communautés féminines et marginalisées.

 «Ce n’est pas seulement Annie (Guglia) qui va aux Olympiques, c’est un modèle, elle a donné aux gens le droit de rêver.»

Louise Hénault-Éthier, analyste des JO de skateboard, ancienne skateuse professionnelle et chercheuse à l’INRS en sciences environnementales.

Plus d’infrastructures

Pour que les planchistes québécoises et québécois continuent de faire rêver leur public, il faut des infrastructures d’entrainement dignes de ce nom. Si un athlète doit s’adapter avec créativité à l’environnement urbain et voir au-delà des apparences pour y déceler le potentiel d’un parcours, l’atteindre d’un calibre olympique nécessite des installations d’entrainement. À Montréal, la trentaine de skateparks sont surtout adaptés aux enfants.

Pour Mme Hénault-Éthier, si l’entrée de la planche aux Olympiques représente la «consécration pour la pratique», des investissements pour la relève sont nécessaires. Les infrastructures au Québec ne sont «pas suffisantes pour s’entraîner, mais ça s’en vient», reconnaît-elle.

Depuis une dizaine d’années, il y a un plus grand développement d’infrastructures pour l’entraînement, à l’image du skatepark père Marquette, du Viaduc Van Horne ou encore du nouveau parcours d’entraînement au Stade olympique de Montréal inauguré fin juin.

Jointe par Métro, la Ville de Montréal a confirmé que les travaux du nouveau skatepark pour planchistes débutants et intermédiaires venaient de commencer dans Mercier-Hochalaga-Maisonneuve et devrait être accessible dès cet automne. Ces travaux font suite à la rénovation du Skate Plaza dans Verdun.

Le skatepark du parc Grovehill à Lachine sera rénové et d’ici 2022 et le parc Raymond à LaSalle accueillera un parcours de street.

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