Et si on créait une école pour ingénieures seulement?
Il existe plusieurs initiatives pour encourager les femmes à travailler en génie. Elles sont nécessaires, sans aucun doute. Mais si on poussait le concept un peu plus loin en créant des écoles pour les ingénieures seulement? Ça vous semble fou? Pas moi, et voilà pourquoi.
Les chiffres d’Ingénieurs Canada montrent que les programmes d’études de premier cycle en génie comptaient 20,3% de femmes en 2000. Quinze ans plus tard, ce pourcentage se situait à 20,1%. Les choses ne s’améliorent pas, elles régressent.
Actuellement, si une jeune femme décide de se lancer en génie, elle ira à Polytechnique ou à l’École de technologie supérieure (ETS), des écoles à prédominance masculine. On parle de quatre ou cinq femmes dans une classe entière! Cette majorité d’hommes pose plusieurs problèmes.
Maria Klawe, la présidente du collège Harvey Mudd, qui accueille 56% d’ingénieures, explique la dynamique d’une classe où il y a une majorité d’hommes. «La plupart des jeunes femmes ne veulent pas être dans un environnement où l’on s’attend à ce que vous prouviez constamment que vous êtes meilleures que les autres, indique-t-elle. La culture de la testostérone est très compétitive avec beaucoup de vantardise et de ridicule si vous ne savez pas quelque chose que tout le monde pense devrait connaître. Ce n’est pas un bon environnement pour la plupart des gens.»
Est-ce possible des écoles pour femmes uniquement, qui auraient pour but de contrecarrer la sous-représentation des femmes en génie?
Je parlais cet été de la deuxième édition du Laboratoire IA pour le progrès social, dont l’Université McGill est un des fondateurs. Le programme a pour but d’intéresser 30 jeunes femmes à l’intelligence artificielle. C’est un tel succès que les organisateurs veulent augmenter le nombre de femmes prises en charge pour l’année prochaine!
Un autre exemple, c’est le Canada en programmation – anciennement Ladies Learning Code – qui organise des ateliers de programmation pour les femmes uniquement afin qu’elles aient un environnement propice à l’apprentissage [comprendre: pas de manterrupting]! Selon le site de l’organisme, «67% des étudiantes ayant appris la programmation à travers Ladies Learning Code se sentaient plus confiantes dans leur utilisation de la technologie et programmation».
Pour atteindre ses objectifs de parité, une école de gestion située près de Paris, l’Insead, a pour sa part réalisé un sondage auprès d’étudiantes. Elle s’est rendu compte que les besoins des femmes étaient à la fois pratiques et psychologiques. Elles sont à la recherche d’une aide financière, sous forme de bourses d’études, ainsi qu’une meilleure compréhension de l’utilité de posséder un MBA. En réponse, l’école a alors mis en place des événements de réseautage et a créé des bourses réservées aux femmes.
Une autre initiative intéressante vient de l’Université de Waterloo, qui a lancé en 2017 la Women in Engineering Living-Learning Community. Environ 50% des femmes qui commenceront à étudier le génie vivront ensemble dans une résidence réservée aux femmes. L’idée est de créer un environnement dans lequel les femmes peuvent se soutenir mutuellement, autant pour ce qui des compétences de programmation dont elles auraient pu manquer au lycée que pour la gestion de remarques sexistes. Les femmes sont soutenues par des étudiantes plus âgées, qui organisent des activités spéciales conçues pour les préparer au sexisme auquel elles pourraient être confrontées dans le monde du travail. Bien entendu, elles suivent les mêmes cours que les étudiants masculins. Le tout est facultatif.
Enfin, l’EPF est une école française fondée en 1925 par l’ingénieure Marie-Louise Paris. À sa création, elle n’était ouverte qu’aux femmes et elle les formait à l’ingénierie électromécanicienne. Depuis 1994, l’école n’est plus réservée qu’aux femmes, les hommes y étant désormais admis. Mais dû à son historique, l’EPF reste l’une des écoles où le taux d’étudiantes est le plus élevé: «40% contre 17% dans les autres écoles d’ingénieurs», peut-on lire sur le site de l’école.
Qui sera la première école du Québec à offrir une classe pour ingénieures uniquement?