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La prostitution peut être un choix, admet la Fédération des femmes du Québec

Man picking up a girl on the street Photo: Deposit

MONTRÉAL — La Fédération des femmes du Québec, qui a toujours été tiraillée quant à la position à prendre face à la prostitution, reconnaît que les travailleuses du sexe peuvent avoir choisi leur métier, et qu’il faut par ailleurs aider celles qui choisissent d’en vivre — ou d’en sortir.

Réunies en assemblée générale extraordinaire, dimanche, les membres de la FFQ, composée de groupes de femmes de toute la province, ont finalement adopté, «après 12 heures de discussions», une proposition sur l’industrie du sexe. Elles ont toutefois reporté à mai prochain l’adoption d’une autre proposition controversée, sur le voile islamique.

Le conseil d’administration souhaitait notamment prendre acte du choix fait par certaines femmes de travailler dans l’industrie du sexe, et de reconnaître le consentement à ces activités. Des «bonifications» ont été ajoutées à une première proposition afin de la rendre «rassembleuse» et permettre de l’adopter par une «majorité» des 150 membres présentes en personne ou par le biais d’internet, soutenait dimanche soir la présidente de l’organisation, Gabrielle Bouchard.

La proposition adoptée recommande maintenant «que la FFQ reconnaisse l’agentivité des femmes dans la prostitution/industrie du sexe, incluant le consentement à leurs activités». L’agentivité est un concept des études de genre qui désigne la capacité des individus à exercer un contrôle sur leurs actes. La fédération insiste toutefois sur les distinctions qu’il faut faire «entre l’industrie du sexe, les échanges consensuels, les situations d’exploitation et la traite humaine».

La FFQ souhaite par ailleurs lutter «contre la stigmatisation et les barrières d’accès à la pleine participation à la société, qui suivent ces femmes toute leur vie même si elles quittent l’industrie, mais également contre la violence et les obstacles à la sortie de la prostitution/industrie du sexe que subissent les femmes qui sont dans cette industrie et celles qui en sortent».

La fédération estime aussi qu’il faut «défendre, tant pour celles qui choisissent de vivre de la prostitution/l’industrie du sexe que pour celles qui veulent en sortir, leurs droits, à la sécurité, la santé, à l’autonomie, à la liberté d’expression et d’association et à des conditions décentes tant dans l’exercice de leur pratique que dans les autres sphères de leur vie».

«Pas un travail»
Cette question, qui divise les féministes depuis longtemps, risque de provoquer de semblables fractures au sein de la fédération. Gabrielle Bouchard a indiqué lundi qu’une «vaste majorité» des votantes avaient appuyé la proposition, mais elle a admis que certaines femmes étaient fâchées.

Celles qui souhaitent l’abolition de la prostitution, et qui croient que tout travail du sexe constitue nécessairement de l’exploitation, se demandent maintenant si elles doivent demeurer au sein de la FFQ. La Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES) avait ainsi menacé, avant l’assemblée de dimanche, de se désaffilier de la FFQ si cette organisation évoquait la capacité des femmes de «choisir» ce travail.

Sur son site internet, la CLES soutient précisément que «la prostitution n’est pas un travail, encore moins une liberté ou un « droit » de disposer de son corps, mais qu’elle est une aliénation et un rapport de pouvoir, conséquences des inégalités sociales et du manque de choix dans la vie de toutes les femmes».

Dimanche soir, Gabrielle Bouchard soutenait que «lors de l’assemblée, durant les conversations et à la suite du vote, aucune organisation ne nous a dit qu’elle était pour quitter en raison du vote qu’on a pris».

Martine Côté, une porte-parole de la CLES, a indiqué dans un courriel lundi que l’organisation montréalaise demanderait à ses membres si elles veulent toujours demeurer au sein de la FFQ.

Le voile islamique
Quant au voile islamique, autre sujet qui divise les féministes — et la gauche —, la FFQ a décidé de reporter le vote, car les membres «voulaient davantage d’informations».

La fédération s’était opposée en 2009 à l’interdiction de signes religieux pour les fonctionnaires, à l’exception de ceux et celles qui sont en position d’autorité. La FFQ proposait dimanche de «soutenir les femmes musulmanes portant ou non un voile dans leur choix de carrière, quelle que soit la sphère d’activités». Mme Bouchard a reconnu que les membres étaient aussi divisées sur cette proposition.

Ce débat interne reflète celui, plus large dans la société québécoise, sur la laïcité de l’État et la liberté de religion. Le nouveau gouvernement du Québec a promis d’adopter rapidement une loi interdisant à tous les fonctionnaires occupant des postes d’autorité — juges, policiers, gardiens de prison et enseignantes — de porter des symboles religieux au travail.

La proposition de la Coalition avenir Québec a été critiquée par des groupes de défense des droits de la personne, qui affirment qu’elle cible les musulmanes et viole leur droit à la liberté de religion. Le gouvernement de François Legault soutient qu’il pourrait invoquer la disposition de dérogation de la Charte canadienne des droits et libertés, afin de soustraire son projet de loi au droit garanti à la liberté de religion.

À la FFQ, Gabrielle Bouchard a indiqué que sa fédération espérait voter sur la proposition relative au voile lors de sa prochaine assemblée, en mai.

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