Coronavirus: locataires et propriétaires dans une impasse à l’approche du 1er juillet
La crise du coronavirus viendra complexifier la période des déménagements, tant pour les locataires que les propriétaires. Plusieurs d’entre eux pourraient se retrouver dans une impasse en raison de la suspension des audiences non urgentes à la Régie du logement.
«À l’approche du premier juillet, il y a toujours un stress. Mais cette année, [la crise du coronavirus] ajoute un stress supplémentaire», souligne d’emblée à Métro l’avocate spécialisée en droit immobilier et de la copropriété, Marie-Cécile Bodéüs, dans le cadre d’une entrevue de fond sur les droits et les recours des locataires et des propriétaires à l’approche de la période des déménagements.
Crise du logement
Déjà, l’an dernier, le déménagement s’est avéré périlleux pour de nombreux locataires alors que le taux d’inoccupation des logements a chuté à 1,5% dans le Grand Montréal, contribuant à des hausses de loyers de près de 4% dans la région. Cette année, la quête d’un logement abordable et salubre s’annonce toutefois bien plus difficile en raison de la crise sanitaire. Les visites, bien que légalement permises, sont limitées.
Des locataires qui prévoyaient acquérir une propriété risquent aussi de revoir leur plan si leur situation financière écope de la pandémie, ce qui pourrait accroître encore davantage la pression sur le marché locatif. D’autre part, la crise sanitaire a aussi retardé la construction de nombreux logements prévus pour la période des déménagements.
«Je crois que pour certains [locataires], il y a un risque que le logement qu’ils vont trouver ne corresponde pas au logement qu’ils seraient en droit de s’attendre», ajoute Mme Bodéüs. La période des déménagements s’annonce particulièrement complexe pour les locataires âgés, qui doivent faire preuve d’une prudence accrue face au coronavirus.
«Ils ont peur de sortir, de devoir faire affaire avec des gens à l’extérieur, comme des déménageurs, parce que les consignes de confinement les concernent beaucoup», soulève Mme Bodéüs.
Afin d’aider les locataires à faire face à cette période difficile, Québec a décidé d’offrir des prêts de 1500$, remboursables d’ici août 2021, aux locataires dont les revenus ont chuté en raison de la crise du coronavirus. Les critères restrictifs de ce programme ont toutefois récolté mardi les critiques d’associations de locataires, qui craignent que plusieurs personnes vulnérables ou à faibles revenus ne puissent y avoir droit.
«La crainte de plusieurs, c’est qu’il y aura moins de logements disponibles et que ceux disponibles seront de moins bonne qualité.» – Marie-Cécile Bodéüs, avocate spécialisée en droit immobilier et de la copropriété
Recours limités
Les locataires qui constateront la présence de vermines, de moisissures ou de travaux inachevés dans leur nouveau logement auront toutefois des recours, rappelle l’avocate. Il est notamment possible de faire appel à des inspecteurs de la Ville pour forcer la main des propriétaires.
«Si propriétaire ne remplit pas ses obligations, on peut toujours s’adresser à la Régie du logement, surtout si on craint des représailles ou des menaces», indique l’avocate.
À la mi-mars, la Régie du logement a toutefois suspendu la vaste majorité de ses audiences, incluant celles pour des demandes d’évictions. Seuls les dossiers «d’extrême urgence» sont depuis entendus, rappelle Mme Bodéüs. Les recours des locataires sont donc maintenant limités.
«Si la Régie n’est pas ouverte, ce sera difficile», laisse tomber l’avocate.
Les propriétaires écopent aussi
L’accès limité à la Régie du logement pourrait aussi nuire au respect des droits des propriétaires. Alors que des locataires risquent de refuser de payer leur loyer, d’autres pourraient décider de ne pas quitter leur logement à la fin de leur bail.
«Qu’est-ce qu’on fait avec un locataire qui ne veut pas quitter le premier juillet? C’est un problème auquel les propriétaires vont faire face», prévient Mme Bodéüs.
«Il faudra vraiment que la Régie du logement instaure des modalités pour répondre à cette demande-là», conclut l’avocate.