Logement social: un «vieux contentieux» bloque l’entente Canada-Québec
Alors que Montréal a lancé cette semaine un énième «cri du cœur» aux deux paliers de gouvernements pour signer l’entente Québec-Ottawa en habitation – et ainsi débloquer de nouveaux fonds pour du logement social –, le gouvernement Legault affirme qu’un «vieux contentieux» l’empêche toujours d’aller de l’avant.
«Je comprends que ça va vous décevoir, mais l’habitation est une compétence provinciale et on veut un transfert fédéral sans conditions. Dans la mesure où le fédéral met des conditions, et qu’il ne respecte pas la compétence provinciale, ça retarde la signature de cette entente. Alors, c’est un vieux contentieux», a indiqué vendredi le ministre des Finances, Eric Girard.
L’élu caquiste donnait en matinée une allocution virtuelle devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM). Son président, Michel Leblanc, l’a questionné à plusieurs reprises sur l’évolution des négociations avec Ottawa pour l’entente en habitation, déjà signée avec la plupart des autres provinces au pays.
«J’aimerais vous dire que ce sera signé demain. Ça devrait être signé hier en fait, a illustré le ministre. Mais je n’ai pas de solution magique, outre vous dire que là où on a la compétence exclusive sur ce qui se passe, c’est-à-dire Accès Logis, on répond présent.»
«Ça ne devrait pas nous empêcher d’aider les citoyens à se loger. Le gouvernement a la capacité financière pour répondre à la crise des logements sociaux.» -Éric Girard, ministre des Finances
M. Girard affirme que le Québec a tous les moyens requis pour «avancer l’argent nécessaire afin de réaliser les logements sociaux», qu’il y ait une contribution fédérale ou pas.
Logement social et «nouvel argent»
Plus tôt cette semaine, en présentant de nouvelles mesures pour la saison des déménagements estivaux, la mairesse Valérie Plante s’était faite sans équivoque sur l’entente en habitation. «On n’a plus le temps d’attendre», a-t-elle dit.
«Toutes les sommes disponibles, on les a utilisées. On n’a plus de nouvel argent pour partir des projets, soit pour les personnes aînées, les itinérants, des coopératives d’habitation. C’est malheureux, parce que les besoins sont grands.» -Valérie Plante, mairesse de Montréal
À l’heure actuelle, seulement sur l’île de Montréal, on estime à 20 000 le nombre de ménages sur la liste d’attente pour obtenir des unités de logement social.
Malgré tout, la Vile affirme avoir complété à 70% son objectif de 12 000 logements sociaux et abordables d’ici 2021. Selon le responsable en habitation au comité exécutif de Montréal, Robert Beaudry, l’entente en habitation permettrait de prévoir le développement. «Planifier du logement social ne se fait pas en six mois. Il faut cibler les terrains, les acheter, former les coopératives», plaide-t-il.
«Arrêter de niaiser»
Au Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), la porte-parole Véronique Laflamme abonde dans le même sens. «Le gouvernement Trudeau doit arrêter de niaiser. C’est pathétique. On ne semble pas avoir avancé du tout depuis l’an passé, presque à pareille date», dit-elle.
L’organisme condamne que pendant ce temps, Québec n’ait financé le développement d’aucun nouveau logement social. «Ce que la CAQ a fait, c’est d’investir des sommes pour débloquer la réalisation des logements prévus dans les budgets antérieurs, d’année en année, et pas réalisés en raison du sous-financement chronique d’Accès Logis», poursuit Mme Laflamme.
«On est tout à fait d’accord que Québec n’a pas à attendre après Ottawa et qu’il a les moyens requis pour réaliser des logements sociaux, mais malheureusement il ne le fait pas. Si on veut sortir de la crise permanente du logement il va falloir plus que ça.» -Véronique Laflamme, du FRAPRU
Plus d’endettement à venir?
Hier, l’Institut national de santé publique (INSPQ) prévenait que le Québec pourrait devoir affronter une «deuxième vague» de la COVID-19 dès le mois de juillet, surtout si les citoyens ne respectent pas les mesures de distanciation. «On recommence à voir des gens, mais il ne faut pas que cette présence ne se transforme en transmission du virus», a dit un épidémiologiste de l’Institut, Gaston De Serres.
Pour le ministre Girard, deuxième vague voudrait dire encore plus de pression. «Je ne veux pas peinturer un scénario négatif, parce qu’on pourrait avoir un remède, un vaccin […], mais si la deuxième vague est forte, il devra y avoir plus d’endettement», dit-il.
Jusqu’ici, le Québec anticipe une croissance de -5%, soit une variation de 7% par rapport au +2% prévu dans le dernier budget. Le gouvernement doit présenter en juin un nouvel énoncé budgétaire pour faire le point sur ses dépenses liées à la pandémie.