Face à la fracture numérique, des organismes se réinventent
Pandémie oblige, les organismes communautaires qui servent la population immigrante ont dû aussi se mettre au télétravail et assurer des services en ligne. Une situation difficile face à la fracture numérique, quand leurs bénéficiaires sont souvent de nouveaux arrivants qui n’ont pas accès à un ordinateur.
Au Carrefour d’aide des nouveaux arrivants (CANA), situé à Ahuntsic, l’adaptation à la crise sanitaire est loin d’être évidente tous les jours. Le risque de perdre du monde en route est bien réel.
«Dès qu’on a compris que la pandémie allait durer dans le temps, on a commencé à réfléchir comment garder le contact avec les participants et on a beaucoup utilisé le téléphone», raconte la coordonnatrice à l’accueil, Samuelle Marcoux-Riverin.
Rapidement la solution numérique s’est imposée. Les intervenants se sont mis à utiliser les plateformes et outils disponibles pour maintenir les services.
«On a transformé toutes nos rencontres en virtuel et on en a tout de suite parlé à nos participants», indique Mme Marcoux-Riverin.
La réalité des immigrants et réfugiés s’est aussi imposée très vite. Certains bénéficiaires des services n’ont pas accès aux outils technologiques quand les bibliothèques sont fermées et les cafés avec connexion wifi ne reçoivent plus personne.
L’organisme a reçu près de 2000 personnes pour différents services destinés aux immigrants et réfugiés, entre 2018 et 2019.
«Pour beaucoup, le problème est de ne pas avoir un ordinateur ou une bonne connexion internet. C’est un problème de fracture numérique», observe Mme Marcoux-Riverin.
Inégalités exacerbées
Au Centre des femmes solidaires et engagées (CFSE), sur la rue Fleury Est, l’activité est 100% en virtuel. «Dans notre société, l’accessibilité à internet et aux outils numériques pour les personnes à faible revenu ou vivant en situation de précarité n’a jamais été priorisée. De plus, la pandémie a exacerbé toutes ces inégalités et a mis en lumière les besoins des communautés les plus marginalisées, notamment les personnes issues de l’immigration», explique l’agente de communication au CFSE, Jessica Cialdella en évoquant la fracture numérique.
Elle est consciente du risque de limiter la capacité de l’organisme à rejoindre un grand nombre de femmes dans ces conditions d’autant qu’une de ses principales missions est de briser l’isolement.
«Nous avons mis un effort monstre afin de pouvoir tenir notre assemblée générale annuelle en novembre. Nous avons offert aux femmes des séances de pratique pour qu’elles apprennent à utiliser leurs tablettes efficacement et pour qu’elles apprennent comment naviguer sur la plateforme Zoom», évoque Mme Cialdella. Pour pallier le manque de contact et contourner la fracture numérique, le CFSE utilise aussi le téléphone.
Réticences
En plus des difficultés techniques ou matérielles, il y a également le besoin pour les gens de rencontrer ceux à qui ils vont se confier.
«Il y’en a qui ne veulent pas [utiliser les moyens virtuels]. Pour eux, ce n’est pas du tout pareil que les rencontres en présence», relève Mme Marcoux-Riverin, du CANA.
Afin de répondre à cet enjeu, il a fallu adapter l’organisation des ressources humaines.
«Pour ceux qui seraient en grande difficulté, il y a une collègue de faction qui répond systématiquement aux appels téléphoniques et qui est présente au bureau au cas où un participant voudrait voir quelqu’un», assure-t-elle.
Depuis le 18 janvier, les bibliothèques d’Ahuntsic-Cartierville offrent en nombre réduit l’accès aux espaces de travail et aux postes informatiques sur réservation. Le nombre de places est limité à huit personnes au café de Da ainsi qu’à la bibliothèque de Cartierville et à six personnes à la bibliothèque de Salaberry.