Violence conjugale: quel déclencheur pour briser le silence?
La personnalité publique, Isabelle Huot, qui réside à L’Île-des-Sœurs, a récemment partagé son histoire de violence conjugale qu’elle a vécue il y a plusieurs années. Comme la nutritionniste, d’autres femmes attendent des années avant de parler. Le déclic est très variable d’une personne à l’autre.
Mme Huot a livré son témoignage sur sa page Facebook pour ajouter sa voix contre la violence conjugale et pour signifier son appui aux victimes. Dans un contexte de violence dans une relation, c’est toujours un long processus au niveau de la reprise de pouvoir, indique la porte-parole du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (RMFVVC), Roxane Prénovost. C’est pourquoi le moment où une personne se sent prête à parler de ce qu’elle a vécu varie.
Ce qui provoque ce besoin de témoigner peut être dû au dernier féminicide rapporté dans les médias qui bouleverse la victime. Elle peut subitement se reconnaître et réaliser qu’elle aurait pu vivre ce triste dénouement.
L’élément déclencheur peut aussi être le simple fait de voir ses enfants grandir. «On ne veut pas que nos enfants vivent dans ce contexte. On se dit: je ne veux pas que ma fille vive de telles situations», explique Mme Prénovost. Elle ajoute que le fait d’être une personnalité publique peut amener une plus grande réserve puisqu’une sortie publique a davantage de répercussions.
Dans son témoignage, Isabelle Huot se livre sans tabous sur son expérience de la violence conjugale. «J’ai personnellement vécu quatre ans avec un homme violent tant physiquement que psychologiquement. Ces hommes sont si manipulateurs qu’on a du mal à les laisser malgré l’énorme souffrance que l’on vit», partage-t-elle.
«C’est déjà un défi en soi reconnaître vivre dans un contexte de violence conjugale parce que souvent, la violence s’installe au sein d’un couple de manière très pernicieuse et sournoise. Ça amène les victimes à se sentir responsables de la situation.»
Roxane Prénovost
La porte-parole du RMFVVC souligne que socialement, les femmes se sentent plus responsables de l’harmonie familiale. Dans un contexte de violence conjugale, les femmes peuvent se mettre en mode solution pour retrouver cette harmonie. «Elle va soutenir l’autre s’il y a des réactions, faire attention à ce qu’elle dit et ce qu’elle fait pour qu’il n’y ait pas d’éclatement de violence», mentionne Mme Prénovost.
Deux côtés à la médaille
Le retour au travail apporte à une personne qui vit de la violence au sein de son couple la possibilité de voir des gens. «Les femmes peuvent retrouver certains lieux qui sont des facteurs de protection», précise Mme Prénovost. Un collègue ou un ami pourrait ainsi remarquer un changement dans la santé ou dans le comportement d’une victime.
D’un autre côté, le déconfinement peut amener un sentiment de perte de contrôle de l’agresseur. Il pourrait tenter d’établir de nouveaux moyens pour contrôler sa partenaire. Par exemple, l’homme pourrait se mettre tout à coup à téléphoner à sa conjointe très souvent dans une journée et la questionner sur ses faits et gestes.
«Ça peut amener une escalade au niveau de la violence. C’est une période critique», indique Mme Prénovost.
On retrouve ce même processus de perte de contrôle lorsqu’une femme met fin à une relation. Il s’agit aussi d’une période critique pour les féminicides puisque le conjoint ne contrôle plus la relation. Il aura toutes sortes de nouvelles façons d’agresser au niveau psychologiques, verbales, physiques, économiques ou sociales pour retrouver son sentiment de contrôle, explique Mme Prénovost.
Isabelle Huot indique qu’il lui a fallu découvrir l’autre «femme officielle» de son agresseur pour rompre définitivement. «J’ai eu si peur en le laissant, car les menaces de mort étaient quotidiennes», affirme-t-elle.
Un 14e féminicide a récemment été confirmé au Québec. Devant ce fléau, le gouvernement Legault avait annoncé en avril une enveloppe de 222,9 M$ pour lutter contre la violence conjugale. De ce montant, 92 M$ sont consacrés aux maisons et centres d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale.
D’ici la fin septembre, 109 places supplémentaires devraient ouvrir pour de tels hébergements et 54 places qui n’étaient pas financées par le gouvernement ont été sécurisées. Plusieurs maisons d’hébergement recrutent présentement du personnel pour augmenter les services externes, c’est-à-dire pour les femmes et les enfants qui n’ont pas besoin d’hébergement. Ces services ont été énormément sollicités depuis le début de la pandémie.
SOS Violence conjugale possède une ligne téléphonique auquel il est possible d’appeler 24h/7 pour obtenir de l’aide ou de l’information. Composez le 1 800 363-9010