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Kathy Reichs: Extrême Nord

Photo: Marie-Reine Mattera

Une mère soupçonnée d’infanticide, le retour d’un vieil amant, un départ précipité pour Yellowknife, des histoires de trafic de diamants… Temperance Brennan, l’anthropologue judiciaire – comme sa créatrice – qui a résolu une montagne de cas et qui ne s’en laisse imposer par personne se trouve confrontée à un environnement hostile, à des découvertes macabres et à de sérieux soucis de cœur dans Perdre le Nord, le nouveau cru de Kathy Reichs. Entretien.

Perdre le Nord s’ouvre sur une scène très dure, où Temperance [dite Tempe] découvre des squelettes de bébés dans un appartement décrépit. Teintées d’horreur, ces pages sont difficiles à lire. Étaient-elles aussi difficiles à écrire?
TRÈS difficile à écrire! Quand j’ai commencé ce livre, je travaillais simultanément sur trois cas d’homicide infantile. L’un d’entre eux était celui d’un nourrisson de 11 mois, l’autre d’un bambin de 2 ans, et le troisième d’un enfant de 10 ans. L’idée du meurtre des enfants, de la mort d’enfants, me trottait dans la tête. J’ai donc pensé que j’amènerais mes lecteurs dans ces eaux.

Au fil des événements, l’histoire se transporte dans le Nord canadien, où la beauté se mêle parfois à la désolation. Trouviez-vous que c’était le cadre parfait pour une enquête signée Tempe?
Oui! J’ai adoré ça, là-bas! Je suis allée à Yellowknife pour un festival littéraire, qui réunissait surtout des auteurs du Nord, et beaucoup d’écrivains des Premières Nations. J’ai même été invitée à aller visiter une mine. J’ai trouvé que c’était un endroit fascinant. Saisissant. Ça prend des âmes robustes pour survivre dans la toundra.

Votre héroïne a toujours eu un excellent sens de la répartie. Elle est spirituelle, brillante… En incorporant le personnage d’Ollie, son ex-amant, qui se joint à elle et à son autre ex, Ryan, pour mener l’enquête, cela ajoute encore plus de verve et de rythme à ses joutes verbales. Ce triangle professionnel-amoureux, est-ce une dynamique que vous souhaitiez explorer depuis un moment déjà?
Oui. Écrire ces scènes, et particulièrement celles où elle est coincée entre deux gars qui se chamaillent sans arrêt, c’était vraiment amusant! J’y ai réellement pris plaisir.

Vous abordez les préjugés dont souffre la communauté amérindienne : ces idées reçues voulant qu’on y trouve beaucoup de problèmes de dépendance. On reste avec l’impression que l’existence de ces préjugés ne fait pas que complexifier l’enquête, mais pousse aussi Tempe à confronter ses propres opinions. Le trouvez-vous aussi?
Je pense que oui. C’est d’ailleurs une chose dont j’ai discuté avec des locaux que j’ai rencontrés sur place. J’ai eu l’impression que c’est un grand problème et j’ai pensé que ce serait bon pour Tempe d’être confrontée à ses propres préjugés… si jamais elle en a. Ce qui n’est pas le cas, d’après moi.

On sait que vous aimez les animaux. Dans ce livre, la question environnementale, la protection et la destruction de la nature jouent d’ailleurs un grand rôle. Est-ce une chose qui vous inquiète au quotidien?
Oh oui. C’est une de mes bêtes noires! Je crois que je fais des dons à toutes les agences de protection des animaux qui existent sur la planète. Le Animal Legal Defense Fund, le Fonds mondial pour la nature, la Humane Society… nommez-les, j’y contribue!

Lors d’un de ses fréquents passages à Montréal, Tempe s’énerve en tentant désespérément de trouver une place de stationnement. Une expérience à laquelle vous êtes confrontée chaque fois que vous venez dans la métropole?
Sérieusement, est-ce que nous ne le sommes pas tous? Heureusement pour elle, elle n’avait pas à prendre le pont Champlain ce matin, car elle aurait complètement perdu patience!

Dans ce livre, vous mettez la maternité à l’avant-plan. Que ce soit par la suspecte, vue au départ comme une mère monstrueuse, ou par Tempe, qui se fait du mauvais sang pour sa fille, après que celle-ci lui eut annoncé une nouvelle déstabilisante… Un thème que vous souhaitiez approfondir cette fois-ci?
Oui. Cette idée qu’une mère n’a jamais fini de s’inquiéter pour sa fille. Peu importe son âge et son degré de maturité. Il faut dire aussi que la suspecte que Tempe et ses comparses recherchent est une adulte, et peut-être a-t-elle réellement commis ces actes horribles dont elle est soupçonnée, mais d’un autre côté n’est-elle pas elle-même une victime? Et est-elle vraiment une adulte?

Tempe a toujours eu un sens de l’humour aiguisé, mais dans votre précédente enquête, Substance secrète, elle semblait plus blagueuse que d’habitude. Cette fois, elle est moins encline à s’amuser. Le sujet de l’investigation ne doit pas être étranger à ça…
Ce n’était pas intentionnel, mais en effet, comme elle poursuit – du moins lorsque le récit débute –, une femme soupçonnée d’avoir tué des nouveau-nés, disons que ça ne lui donne pas envie de rigoler. Reste que j’essaye de mettre de l’humour dans tous mes romans. C’est une question d’équilibre. Et c’est la même chose avec l’émission de télé Bones. Chaque semaine, on doit faire face à une mort violente, mais on utilise des répliques caustiques. La question, c’est de savoir comment le faire pour ne pas paraître inapproprié, désinvolte ou irrespectueux.

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Le vrai, le virtuel
Époque oblige, à plusieurs reprises, Google fait son apparition dans le nouveau roman de Kathy Reichs, dans le rôle de «celui qui a réponse à presque tout». L’auteure elle-même avoue en blaguant, un peu, «ne pas savoir ce qu’on faisait avant la création de ce moteur de recherche». «On peut tout trouver là-dessus! Il y a les images aussi qui sont utiles, et puis Google Earth, qui permet de voir, par exemple, la ville de Yellowknife en détail. Au point où on peut presque zoomer sur les plaques d’immatriculation des voitures qui y roulent!» Mais, même si elle confie que la chose est «très pratique», notamment pour se rappeler «ai-je tourné à droite ou à gauche lorsque je me suis rendue du dépanneur à la mine», cet outil ne remplacera jamais une visite sur place. «De toute façon, je n’écris pas sur des endroits où je n’ai jamais été», assure l’auteure.

Perdre le nordPerdre le Nord
Aux éditions Robert Laffont
Kathy Reichs au Salon du livre de Montréal
Vendredi de 18 h à 19 h 30 et samedi de 14 h à 16 h

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