Avant l’hiver de Philippe Claudel: d’autres vies que la mienne
L’écrivain et cinéaste français Philippe Claudel signe son troisième film, Avant l’hiver, dont Daniel Auteuil et Kristin Scott Thomas tiennent la vedette.
Et si on s’était trompé? Et si on ne vivait pas la vie qu’on aurait dû? C’est la question qui est au centre de ce troisième opus cinématographique de Philippe Claudel, qui met en scène un chirurgien du cerveau (Daniel Auteuil), marié à une femme fantastique (Kristin Scott Thomas), qui a en apparence complètement réussi sa vie… Jusqu’à ce que sa rencontre avec une jeune serveuse (Leïla Bekhti) le force à poser un regard critique sur la vie qu’il a menée jusque-là.
«C’est une question qui me préoccupe depuis très longtemps, affirme le cinéaste Philippe Claudel, avec qui Métro s’est entretenu. Je me suis donc simplement projeté un peu en avant, avec un personnage un peu plus âgé que moi qui, lui, ne s’était jamais posé cette question – d’une part parce qu’il n’a jamais eu le temps à cause de son métier tellement prenant, et d’autre part parce que ça lui aurait paru obscène de se la poser.»
Dès la première scène du film, on sait que la jeune fille jouée par Leïla Bekhti va mourir et qu’elle aura de l’importance dans la vie du personnage de Daniel Auteuil. Pourquoi ce choix?
Je voulais que le spectateur la voie comme quelqu’un qui allait mourir. On ne sait jamais que les gens vont mourir, on ne pense jamais à ça. Si on y pensait, peut-être qu’on ferait un peu plus attention à eux. Et là, j’avais envie que le spectateur fasse attention à elle, la regarde, se demande ce qui lui arriverait.
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Le personnage de Daniel Auteuil semble se laisser porter par les événements, et même quand on l’affronte, il s’en va…
Ce sont des personnages qui refusent les conflits, ça faisait partie du film que je voulais faire. Je ne souhaitais pas qu’il y ait de climax hystérique émotionnel, de scènes émouvantes propres à faire pleurer les spectateurs. Tout est cadenassé. On ne dit pas les choses, on garde tout en dedans.
Vous avez déjà dit que vous saviez tout de suite si une idée devrait être développée en un film plutôt qu’en un roman, notamment à cause de votre désir de travailler avec des acteurs. Ici, vous retrouvez Kristin Scott Thomas, avec qui vous aviez tourné Il y a longtemps que je t’aime, et travaillez pour la première fois avec Daniel Auteuil. Ils se sont imposés rapidement?
Généralement, je m’interdis de penser à un acteur en écrivant, mais pour ce rôle-ci, je m’étais mis dans l’idée de le proposer à Daniel Auteuil. Au départ, il ne voulait pas, je crois qu’il avait peur que l’histoire le perturbe. Donc en écrivant mon scénario, j’étais assez embêté, je n’avais pas l’acteur que j’avais imaginé. Mais il a changé d’avis, heureusement. Quant à Kristin Scott Thomas, on avait envie de travailler ensemble de nouveau, même si ça se passe très mal chaque fois. C’est assez conflictuel entre nous. Mais c’est anecdotique: ce qui compte, c’est le résultat.
Vous laissez beaucoup de place à l’interprétation et vous privilégiez des fins ouvertes dans vos films…
C’est un film qui demande du travail au public, en effet. C’est ce qui m’intéresse: laisser des espaces où le spectateur peut entrer et où il est obligé de recoudre les choses, de les mettre en perspective. Ce n’est pas toujours évident, mais c’est important pour moi de ne pas tout prémâcher.
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Avant l’hiver
Présentement en salle