«Va pas là», qu’il s’est fait dire…
Je l’avoue, la sortie précipitée de Bernard Drainville de la course à la chefferie du PQ m’a un peu / beaucoup pris par surprise la semaine dernière. Pas qu’un abandon soit une grande première dans les circonstances – ça arrive à chaque fois quand vient le temps de choisir un chef –, mais le côté bagarreur, pour ne pas dire acharné, du personnage ne m’aurait jamais permis de croire qu’il allait un jour utiliser la sortie d’urgence. Suffit de l’avoir vu aller au temps des discussions sur la charte de la laïcité. Un «toffe». Mais bon, tout le monde a le droit de changer de plan de match, et Bernard Drainville possède, comme tous les autres, le droit légitime de virer bout pour bout. Cela étant dit…
Avez-vous, comme moi, tiqué sur un passage pour le moins troublant glissé entre deux explications lors du point de presse de l’ex-candidat Drainville? Celui où il racontait : «J’ai eu aussi beaucoup de réactions de membres qui m’ont dit : “Bernard, va pas là. Ce qu’on souhaite, c’est l’unité du parti.”» Des avertissements qui lui furent servis parce qu’il y était allé un peu fort en posant des questions plutôt serrées à Pierre Karl Péladeau lors des débats entre les candidats.
Minute là, est-ce que je rêve? Des militants du PQ qui refusent le débat? Des militants du PQ qui veulent éviter le choc des idées? Pire, des militants du PQ qui suggèrent de se taire et de laisser passer? Non, pas vrai, je vous en prie, réveillez-moi quelqu’un!
On parle ici d’un parti qui a fait de ses luttes fratricides une véritable marque de commerce. D’un parti qui a passé l’essentiel de ses 47 ans d’existence à favoriser l’engueulade, en commençant par le bardassage en règle de ses propres chefs? D’un parti où on a même essayé d’organiser des putschs pour sortir René Lévesque du décor? Un peu plus et on aurait envisagé de lui retirer son titre de fondateur…
Alors, dites-moi, pourquoi, en 2015, s’en fait-on subitement à propos de l’image du parti et de la pseudo-apparence d’unité au sein des troupes? Est-ce pour ne pas mettre en échec celui qui, pour le moment, est la figure la plus rentable électoralement pour le PQ? Même si – à moins d’un tsunami – les prochaines élections auront lieu dans trois ans minimum, ce qui représente une éternité en politique.
Est-ce pour ne pas contredire un chef qui est sur le point de se faire livrer un parti selon une formule clés en main tout à fait inédite dans l’histoire du PQ?
Ou est-ce tout simplement pour signifier à Bernard Drainville – et aux autres qui attraperont le message au bond – que les lendemains s’annoncent secs pour ceux qui seraient tentés d’afficher une quelconque dissidence une fois le couronnement prononcé?
Toutes ces questions se posent. Je n’ajouterai qu’une chose : je ne suis pas sûr d’avoir envie d’entendre l’une ou l’autre des réponses qui viendraient avec…