Invasions biologiques: des dommages de plusieurs milliards
Une étude a permis de calculer le coût économique que les invasions biologiques ont généré pour les écosystèmes. Métro s’est entretenu avec des experts pour en savoir davantage.
Au moins depuis les années 1970, les espèces de plantes, d’animaux et d’insectes envahissantes ont coûté à la planète plus de 1 trillion de dollars. Plus précisément, près de 1,3 trillion en dépenses reliées à des invasions biologiques dans le monde.
Pour en arriver à cette conclusion, les biologistes et économistes ont examiné plus de 19 000 études et en ont sélectionné 1 400 qui étaient fiables et qui avaient été réalisées entre 1970 et 2017 pour évaluer les coûts mondiaux reliés aux invasions d’espèces. À l’aide de ces informations, ils ont formé une base de données appelée InvaCost qui a permis de générer «une synthèse fiable, complète, standardisée et facile à mettre à jour des coûts monétaires liés aux invasions biologiques dans le monde», selon ses créateurs.
Les spécialistes ont souligné que les invasions biologiques ont plus d’impact que les changements climatiques.
«Elles sont plus omniprésentes que la déforestation ou la destruction des coraux, causent plus de dommages à la biodiversité que la pollution – causée par le plastique ou le glyphosate – et malgré tout, ses effets sont peu connus», expliquent les experts de l’Université Paris-Saclay, en France, qui sont menés par Franck Courchamp, le chercheur en chef d’un article publié dans la revue Nature.
«Pourquoi est-ce que les décideurs n’agissent pas ? Peut-être tout simplement parce que nous, les scientifiques, n’avons pas encore utilisé le bon langage ou les bons moyens de sensibiliser les gens à cette menace.» – Franck Courchamp, directeur de recherche à l’Université Paris-Saclay, en France
Alors, les invasions biologiques ont coûté au monde une somme d’argent similaire à la valeur de sociétés comme Alphabet, Amazon ou Apple, qui excèdent 1 trillion de dollars en valeur.
«Nous avons cessé de parler des extinctions d’espèces d’oiseaux et de la dégradation de leurs habitats et avons entrepris de compiler les coûts économiques des invasions biologiques enregistrées dans le monde. Malheureusement, c’est quand on mentionne l’argent qu’on porte plus attention à ce qu’on dit», affirment les auteurs de la recherche.
Selon les scientifiques, les plantes et animaux exotiques ne sont pas nécessairement un problème. Mais quand des espèces invasives s’établissent et se propagent dans un nouvel environnement, elles causent des dommages qui peuvent être écologiques (par exemple, l’extinction de certaines espèces), liées à la santé (allergies, morsures, maladies) et économiques (comme des dommages aux infrastructures).
163 G$ – Coût lié aux espèces invasives en 2017. En comparaison, la fortune de Jeff Bezos, l’homme le plus riche du monde, est évaluée à 177 G$.
De plus, le coût total est essentiellement lié à des dommages et pertes, qui ont coûté entre 10 et 100 fois plus que les investissements effectués pour les prévenir ou les contrôler. Le pire là-dedans est que ces coûts augmentent de façon exponentielle avec le temps !
«Malgré la magnitude impressionnante de ces coûts, ils sont largement sous-estimés. Nous avons seulement analysé la moitié la plus robuste des données disponibles et si nous avions utilisé l’ensemble des données, nous aurions obtenu un estimé quatre fois plus important. Les coûts énormes estimés ici ne représentent que la pointe de l’iceberg du véritable fardeau économique des invasions biologiques dans le monde», résume l’équipe de Franck Courchamp.
Deux questions à…
Gabriela Jiménez, chercheure à l’Institut d’écologie de l’UNAM
Comment est-ce que les dommages causés par les espèces envahissantes sont reliés aux changements climatiques ?
Il y a des espèces envahissantes qui n’arrivent pas à se battre efficacement contre les espèces locales, et celles-ci les éradiquent. Mais cela n’est pas toujours le cas. On doit résumer le contexte de l’écosystème, de variation de l’habitat et voir ce qui arrive. Les changements climatiques sont au cœur de ce problème parce qu’une différence de température d’un degré Celsius peut mener à l’établissement ou l’absence d’une espèce dans un endroit en particulier.
Comment peut-on aider ?
La première chose à faire est de générer du contenu plus attirant par rapport aux espèces locales afin que les gens apprennent à les connaître. Également, il faut inviter le public à approcher les spécialistes. Il y a beaucoup de gens qui font de l’éducation environnementale et nous sommes toujours prêts à parler de ce sujet avec quiconque nous approche.