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Peut-on parler d’un génocide ukrainien perpétré par la Russie?

Un rassemblement en soutien à l'Ukraine s'est tenu près de l'Université McGill. / Josie Desmarais/Métro Photo: Josie Desmarais

Les images de découvertes macabres et des atrocités commises par les soldats russes alors qu’ils quittent progressivement certaines parties de l’Ukraine choquent depuis plusieurs jours la scène internationale. Bien que des crimes de guerre soient avérés sur le territoire ukrainien, le débat reste ouvert quant à la reconnaissance ou non d’un génocide commis par la Russie.

Dans le cadre du Mois de la commémoration des génocides, Métro s’est entretenu avec l’Institut montréalais d’études sur le génocide et les droits de la personne (MIGS) et la Fondation pour l’étude des génocides.

Pour la coordinatrice du MIGS, Marie Lamensch, il est encore trop tôt pour établir s’il y a génocide. Elle reconnaît cependant que rien n’écarte les intentions génocidaires du Kremlin.

«Montrer qu’il y a un génocide prend parfois des années. […] Un jour, peut-être, on saura qui a donné ces ordres», dit-elle.

Une des difficultés est la nécessité de prouver qu’il y a l’intention, au travers des actes commis, de «détruire une population».

La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide des Nations unies définit le terme «génocide» comme étant tout acte commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux.

«Ce n’est pas parce que l’on ne dit pas qu’il y a un génocide qu’il ne faut pas agir et minimiser le conflit», explique Marie Lamensch.

Pour elle, la reconnaissance d’un génocide est importante pour faire comparaître en justice les criminels à l’origine de ces actes tout en envoyant un signal clair aux autres dirigeants désirant commettre de telles atrocités. La reconnaissance du génocide permet aussi de montrer aux familles des victimes le bon fonctionnement du système de justice international tout en reconnaissant leur peine.

Selon la fondatrice et directrice de la Fondation pour l’étude des génocides, Heidi Berger, six étapes sont communes à tous les génocides:

1. Classification: distinction entre deux groupes comme pendant l’Holocauste entre Allemands et Juifs;
2. Déshumanisation: nier l’humanité d’un groupe;
3. Polarisation: propagande pour diaboliser et déshumaniser un groupe;
4. Organisation: toujours organisé, généralement par l’État ou par un groupe terroriste;
5. Extermination: massacre;
6. Déni: dernière étape qui suit toujours le génocide et c’est l’un des indicateurs les plus sûrs de nouveaux massacres génocidaires.

La ministre fédérale des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a quant à elle reconnu les crimes de guerre commis par le Kremlin en sol ukrainien en demandant par la même occasion le retrait de la Russie du Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Son gouvernement ne parle toutefois pas de génocide.

L’importance des preuves

Pour Marie Lamensch, un grand travail de collecte de preuves reste encore à faire. Celui-ci pourrait être facilité par l’omniprésence des réseaux sociaux dans ce conflit, ce qui permet d’amasser une quantité importante de preuves.

De nombreuses vidéos et images montrent les atrocités commises en Ukraine par la Russie. Bien qu’elles permettent de reconnaître des crimes de guerre commis par le Kremlin, elles ne permettent toutefois pas d’affirmer pour le moment les intentions génocidaires de ce dernier.

Amasser ces preuves est important, mais il est nécessaire de les analyser pour comprendre les intentions derrière ces crimes, souligne Marie Lamensch. Selon elle, la visualisation des images venant d’Ukraine ne suffit pas à reconnaître le caractère génocidaire.

Il est donc crucial de corroborer les preuves sur le terrain avec des images satellites, mais aussi avec des témoignages de civils. L’analyse des preuves permettra ainsi de connaître l’intention des soldats et de savoir s’ils étaient alimentés par un désir de vengeance ou s’ils répondaient  directement à des ordres du Kremlin.

Certaines preuves potentielles d’intentions génocidaires commencent cependant à faire surface. Marie Lamensch fait notamment référence à un article provenant d’un média lié à l’État russe qui évoque une «dé-ukrainisation».  Reste encore à savoir si cet article met en lumière les intentions du Kremlin.

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