Hippodrome : est-ce que cette fois, ça y est?
Ça fait presque 10 ans que je regarde le site vide de l’ancien hippodrome. Ça fait plus longtemps que ça qu’il est vide, mais disons que je n’y portais pas trop attention quand j’étais au Nouveau-Brunswick ou en Abitibi. Mais quand même, 10 ans de promesses de pépines, sans jamais que ça ne se concrétise.
Dans une campagne électorale où la question du logement prend une place centrale, l’hippodrome est évidemment revenu à l’ordre du jour. La Ville souhaite y construire 20 000 logements, dont 60% de logements hors marché. C’est énorme.
Donc j’ai voulu m’y pencher un peu plus. Qu’est-ce qui fait que ça bloquait et pourquoi semble-t-il y avoir de l’optimisme cette fois-ci?
Tout reste à faire
Je rappelle que l’administration Plante a déjà tenté d’attirer des acheteurs qui pourraient développer les logements voulus. Peine perdue: l’appel d’offres lancé en 2022 pour développer des condos a attiré exactement zéro soumission.
La Ville demandait un minimum de 10 M$ avec plein de conditions. Des conditions jugées trop onéreuses pour les promoteurs quand tu sais que tu dois vendre 60% de ces condos à des prix pas chers, pas chers.
Déjà en 2018, j’écrivais que ça coûterait «beaucoup plus» que 100 M$ pour construire les infrastructures nécessaires. Et ça, c’était pour un projet de seulement 8100 unités de logement.
La Ville prévoyait carrément recréer une rivière disparue pour gérer l’eau de pluie sans créer des refoulements partout ailleurs dans Côte-des-Neiges. Rien que ça.
Depuis, un groupe de travail baptisé le GALOPH a été créé pour faire les analyses nécessaires. Il estime que les investissements nécessaires atteignent pas moins de 1,4 milliards de dollars.
Goddamn…
«Ce qui a toujours bloqué ce projet, c’est le manque d’infrastructures. Il n’y a pas un développeur qui est capable de dire qu’il va aller développer sans au moins savoir qu’il y a de l’argent pour les construire», affirme Isabelle Melançon, ex-ministre provinciale et p.-d.g. de l’Institut de développement urbain (IDU).
Québec doit mettre des sommes
Mme Melançon a bon espoir de voir les premiers logements sortir de terre aussi rapidement que possible. Surtout parce que la Ville dispose maintenant d’un fonds de 320 M$ pour bâtir les infrastructures, grâce entre autres à une subvention fédérale de 128,3 M$.
«Ce qui me remplit d’espoir, c’est de voir les trois paliers de gouvernement travailler ensemble actuellement. Maintenant, il faudrait que Québec aussi avance des sommes.»
Les premiers logements d’ici quatre ans?
Il y a quand même des développements assez chouettes depuis deux ans. Il est même fort possible que, d’ici la fin du mandat de la prochaine administration, un premier groupe de logements soit en construction.
Pourquoi? Parce qu’une entente a déjà été conclue entre la Ville et Espace La Traversée, une OBNL qui veut y installer 250 logements abordables.
Ces logements se trouveront sur la partie la plus à l’est du site, celle directement en face du Walmart et de la Cage aux sports. Ce tout petit lot est déjà connecté aux infrastructures souterraines, donc les travaux pourront commencer dès que le terrain est cédé.
Sauf que… quand je regarde le cadastre du Québec, le transfert n’a pas encore eu lieu. Normalement, la vente devait avoir lieu en avril dernier.
J’irai aux nouvelles dès que possible.
Encore des années de planification?
Puis, il y a cette info qui circule depuis quelques jours. Paraît qu’un candidat d’Ensemble Montréal clame haut et fort que son parti va refaire la consultation et le plan d’aménagement s’il est élu.
C’est long ce genre de travail. Faudrait pas que ça retarde les logements.
J’en ai aussi parlé à Gracia Kasoki Katahwa, la mairesse sortante de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce qui tente de se faire réélire avec Projet Montréal. J’ai été surpris d’apprendre qu’elle prévoit encore plusieurs années de poussage de crayon avant que les infrastructures ne soient construites.
«Les infrastructures, on a reçu l’argent alors maintenant il y a toute la planification à faire. Et ça, ça prend plusieurs années», dit-elle.
En rappel: les fonctionnaires de la Ville se penchent là-dessus depuis au moins 2010…
Céder des terrains au lieu de les vendre
Une option pour accélérer les choses serait de réduire les risques pour les développeurs en cédant carrément les terrains au lieu de les vendre. Pour un entrepreneur qui doit vendre ou louer la plupart de ses unités à faible prix, ça devient plus intéressant. Pas mal sûr qu’il y aurait plus que zéro soumissions!
En tout cas, l’IDU serait content.
«Si on fait du logement hors marché, il va falloir trouver des processus pour savoir qui va pouvoir bâtir ces logements-là. Ça prend une capacité de financement assez grande. Il va devoir y avoir quelque chose d’assez attractif», affirme Mme Melançon.
Le problème avec ça, c’est que le gouvernement du Québec est encore dans le portrait. Quand il a cédé le terrain à la Ville en 2018, c’était à la condition que la Ville et la province se partagent les revenus de vente.
Il faudrait donc que les élus des deux paliers décident ensemble de faire une croix sur des revenus substantiels au nom de la lutte à la crise du logement.
C’est pas impossible. Mais tout le monde cherche du cash en ce moment, y compris les gouvernements.
Mme Melançon souligne qu’il y a d’autres possibilités, comme des baux emphytéotiques.
Puis il y a l’idée de la Corporation de développement communautaire de Côte-des-Neiges, qui veut voir une fiducie d’utilité sociale gérer le site.
Bref, il est bel et bien possible qu’on voit des travaux sur le site de l’hippodrome, à la fois pour les infrastructures et pour les premiers logements. Peut-être. Si tout le monde met la main à la pâte.
Je croise les doigts.