Québec solidaire va-t-il poursuivre sur sa lancée en 2022?
Y a-t-il un plafond pour Québec solidaire (QS)? Depuis sa première participation aux élections générales, le 26 mars 2007, où il avait récolté 144 418 voix, le parti n’a cessé de progresser. Après un premier siège à l’Assemblée nationale acquis en 2008, un deuxième en 2012 puis un troisième en 2014, une petite «vague orange» en 2018 a amené 10 députés solidaires à siéger dans l’opposition. La croissance de Québec solidaire va-t-elle se poursuivre lors des élections provinciales 2022?
«La réponse n’est pas si simple que ça», répond Philippe J. Fournier, créateur de la plateforme de projections électorales Qc125 et chroniqueur politique à L’actualité.
Québec solidaire n’a pas descendu [en popularité] depuis 2018. Pour l’instant, le parti est resté stable alors que ses compétiteurs, sauf la CAQ [Coalition avenir Québec], ont descendu [dans les projections de vote]. Mais les solidaires pourraient encore progresser à Montréal.
Philippe J. Fournier, créateur du site de projections électorales Qc125
Mais selon l’observateur, le parti de M. Legault a une longueur d’avance considérable chez les électeurs francophones. «Il est si dominant auprès des francophones que cela pourrait limiter le nombre de sièges» que Québec solidaire pourrait remporter en dehors de la métropole, ajoute-t-il.
Selon Qc125, en date du du 26 août, Québec solidaire remporterait neuf sièges aux élections de 2022, soit un de moins qu’en 2018. Alors doit-on croire que le parti a atteint un plateau dans sa progression?
La campagne fera toute la différence
En entrevue avec Métro, la candidate solidaire dans la circonscription de Camille-Laurin (anciennement Bourget), Marie-Eve Rancourt, réfute ce constat.
«Ça fait 15 ans que des analystes politiques disent que Québec solidaire va stagner au Plateau, puis à Montréal, puis que QS va stagner le long de la ligne orange. Je suis convaincue qu’on va envoyer davantage de députés à l’Assemblée nationale [lors des élections 2022], c’est une certitude. Lors des dernières élections, les analystes disaient que QS allait remporter quatre sièges – on en a gagné dix», fait-elle valoir.
Le créateur de Qc125 est pour sa part convaincu que les solidaires vont conserver les six sièges acquis à Montréal lors des dernières élections. Seule la circonscription de Rosemont, ancien fief péquiste, pourrait d’après lui créer la surprise.
«Le PQ pourrait monter grâce à [l’artiste] Pierre-Luc Brillant. J’ai assisté à son investiture, […] les péquistes sont très enthousiastes», commente M. Fournier. Mais il n’y a aucun chiffre qui indique que le parti a progressé à Montréal ces dernières semaines, tempère-t-il.
Et le chroniqueur rappelle qu’au début de la campagne de 2018, QS était à 10% dans les intentions de vote, et avait bien terminé la course avec 16%. Un argument allègrement repris par la candidate solidaire de Camille-Laurin.
«En 2018, on nous enlignait dans une direction puis ce n’est pas ce qui s’est avéré. On a fait notre travail de terrain et on voit que nos enjeux rejoignent des gens diversifiés, des familles, différentes communautés», énumère Mme Rancourt.
Des idéaux clivants
«Je ne crois pas à la progression de Québec solidaire», tranche pour sa part le politologue André Lamoureux. Le professeur de science politique à l’UQAM croit plutôt que le positionnement très à gauche du parti ne convainc pas un grand nombre de Québécois.
«Les idées que défend QS […] vont à l’inverse de ce que veut la population. La laïcité satisfait une grande partie la population dans les sondages. La thèse du racisme systémique est rejetée par la majorité de la population», souligne M. Lamoureux.
Et c’est précisément la proximité de Québec solidaire avec les minorités religieuses qui agirait comme repoussoir pour un certain électorat. Le professeur pointe la défense de «la thèse de l’islamophobie» au Québec comme une erreur stratégique. De même que «certaines accointances avec le radicalisme islamique».
Toute l’idéologie de QS joue contre elle. C’est fort dans certains milieux, comme chez les étudiants, mais loin d’être l’avis de la majorité québécoise. S’il voulait aller plus loin, il faudrait que le parti abandonne son programme communautariste.
André Lamoureux, professeur de science politique à l’UQAM
Après avoir connu une hausse de popularité pendant plusieurs années, QS pourrait même reculer, croit le professeur. Un avis que ne partage pas Marie-Eve Rancourt.
«Ces analyses sont toujours très conservatrices, balaie-t-elle. On n’est plus à la même place qu’en 2010, on a changé d’ère. […] Je suis convaincue qu’on ne fera pas moins de 10 sièges. En 2022, on continue de grandir», conclut-elle.