Montréal-Est: fermeture d’une rare association québécoise de vétérans
L’unité 308 des Anciens Combattants de l’Armée, de la Marine et des Forces aériennes au Canada (ANAVETS), l’une de deux seules du genre au Québec, met la clé sous la porte.
Les dirigeants de l’unité sise depuis 1950 rue Dorchester, à Montréal-Est, ont finalisé la vente de leur édifice devant notaire le 19 mars dernier, confirme le président Jean-Pierre Lefort.
«C’est sûr que personnellement, c’est très émotif parce que je tenais ça à cœur, confie l’ancien artilleur, qui lançait un ultime cri du cœur en décembre dernier pour sauver son unité.
«La section de Montréal-Est ne sera plus, ajoute-t-il. J’ai demandé le transfert de membres à l’unité de Lennoxville. J’aurai peut-être la permission de faire des représentations pour des organisations comme les cadets.»
L’unité 308 a vendu son édifice à deux entrepreneurs souhaitant le démolir dès avril afin de construire un projet résidentiel de plusieurs logements, précise M. Lefort.
L’unité de Montréal-Est servait de lieu de rencontre pour anciens combattants, mais leur offrait aussi des loisirs, les référait à des services, prodiguait de l’aide à leurs familles et menait des représentations auprès du ministère des Anciens Combattants.
Elle s’occupait également du traditionnel défilé du Souvenir dans Montréal-Est. L’organisation de l’événement passera aux mains de la filiale locale de la Légion royale canadienne.
Plombée par les factures et un membrariat en déclin (15, au dernier décompte), la 308 peinait à assumer ses coûts administratifs, ainsi que l’entretien de son édifice vieillissant, un ancien presbytère.
En outre, sa bâtisse ne bénéficiait plus d’une exemption de taxes foncières, dont elle a bénéficié durant des années.
Le maire Robert Coutu rappelle que la Ville a travaillé avec l’unité, qui accusait du retard dans le paiement de taxes.
«Je trouve [la fermeture] dommage, mais il faut aussi être conscient qu’on est rendu à une autre époque», commente-t-il en rappelant que l’ANAVETS, jadis très populaire, compte de moins en moins de membres avec les guerres contemporaines.
Le maire souligne le fait que la Ville souhaite densifier la population sur son territoire, un peu comme souhaiteraient le faire les acheteurs du 11 385 Dorchester sur leur nouvel immeuble.
Son administration aurait souhaité une sorte d’association entre les chapitres montréalestois de l’ANAVETS et de la Légion. Cette dernière a vu son bassin de membres s’amoindrir d’environ 300 membres en six ans et éprouve de la difficulté à payer les dépenses associées à l’édifice qu’elle occupe depuis 1984.
«On est fier, ce sont des associations de notre municipalité qui font partie de notre histoire, mais c’est une page de notre histoire qui se tourne», constate M. Coutu.
L’idée d’une fusion a été soulevée il y a une vingtaine d’années, mais le projet a été tabletté, indique M. Lefort. «C’est une chose interdite par la haute direction à Ottawa», explique-t-il.
Malgré la diminution du nombre de ses membres et la hausse de ses taxes foncières, la Filiale 173 de la Légion n’a pas l’intention d’abandonner son édifice, assure son président, André Morel.
Des milieux rassurants en déclin
Pour les anciens militaires, la Légion royale canadienne et l’ANAVETS sont des lieux où ils peuvent s’entourer de gens ayant vécu la même réalité, retrouver la camaraderie de l’armée et trouver de l’aide.
«C’est la seule place pour parler entre autres de ce qui s’est produit au front, avec quelqu’un qui a servi et qui nous comprend», témoigne le président de la filiale 173 de la Légion, André Morel.
Les anciens militaires vivent parfois des problèmes psychologiques et sont gênés de les exprimer, par peur de paraître faibles, expliquent des membres.
«Il faut alors les travailler pour leur tirer les vers du nez», atteste Doug Lawrence, un vétéran de la Guerre de Corée devenu officier d’entraide à la filiale 173.
Membre depuis plus de 60 ans et ancien président de filiale, M. Lawrence aide d’anciens combattants souffrant de syndrome de stress post-traumatique à recevoir des services médicaux.
Ces militaires hautement traumatisés reviennent parfois d’opération de paix, font remarquer les membres.
«Les Casques bleus et les gars qui reviennent de l’Afghanistan ont eux aussi vu des choses horribles, comme des génocides. Les règles d’engagements étaient différentes pour eux alors ils ne pouvaient pas intervenir comme ils voulaient», note le trésorier et ancien président Roger Biron.
De 480 à 87
Née il y a près de 70 ans dans une maison de Montréal-Est et installée depuis plus de 30 dans son immeuble de la rue Dorchester, la Filiale 173 est loin de ses glorieuses années d’après-guerre mondiale.
Elle compte aujourd’hui 87 membres, alors qu’elle en a déjà recensé 480. Cette diminution a grandement nui à son financement. Dans l’espoir d’attirer de nouveaux membres, ses dirigeants ont étendu les heures d’ouverture de l’édifice et tentent de recruter d’anciens combattants de la «nouvelle génération», comme des militaires ayant servi pour le Canada dans des opérations de paix.
«On survit en ce moment, confie M. Morel. On essaie de payer les taxes et de se tenir la tête hors de l’eau, en louant nos locaux à des OBNL ou des entreprises par exemple. C’est sûr que si on ne subvient pas à nos besoins, la légion va disparaître. Si on était exempt de taxes, on survivrait mieux.»