Transfert d’écoles : la CSEM se tourne vers les tribunaux
La Commission scolaire English-Montréal (CSEM) a annoncé qu’elle entreprendrait un recours juridique contre le gouvernement québécois afin de faire invalider le transfert de deux de ses écoles. Cette décision ne fait cependant pas l’unanimité au sein même du conseil scolaire.
Avec ses démarches, la CSEM souhaite faire invalider l’article de la Loi sur l’instruction publique qui permet au gouvernement de transférer un immeuble d’une commission scolaire à une autre, s’il juge qu’il en va de l’intérêt public.
« Le gouvernement peut-il transférer des écoles sans égard à ce que nous pensons, s’interroge Angela Mancini, présidente de la CSEM. C’est la façon dont c’est fait que nous remettons en question, plus qu’autre chose. » Elle critique en outre un manque de transparence dans la prise de décision du Ministère de l’Éducation.
Dans un deuxième temps, la CSEM désire que la Cour évalue la constitutionnalité d’une éventuelle abolition des commissions scolaires, une promesse du gouvernement en place. « C’est important, parce que ça fait partie intégrante de notre communauté, et ça joue un rôle important dans la culture et le tissage de [celle-ci]. Pour moi, c’est important que ces institutions restent sous la gouvernance des gens qui en font partie. »
Pour la CSEM, tant le transfert d’écoles que l’abolition des commissions scolaires seraient en contradiction avec la Charte canadienne des droits et des libertés, qui donnent droit à l’instruction dans la langue de la minorité.
« Une communauté minoritaire devrait pouvoir gérer et contrôler ses propres institutions, croit Mme Mancini. Pour moi, ça va de soi qu’on devrait avoir certains droits. Maintenant, est-ce que la Cour nous donnera raison ? Nous verrons bien. »
Dissension interne
Bien qu’elle ait parlé au nom de la majorité en tant que présidente, à titre personnel, Mme Mancini a toutefois préféré s’abstenir de voter sur la résolution, exprimant un certain malaise par rapport à celle-ci. Deux autres commissaires ont également imité son geste.
« Je crois que l’argent devrait être redistribué dans les classes et les écoles. Je suis aussi inquiète que la résolution votée n’impose pas un plafond d’argent [pouvant être investi dans le recours] », révèle Mme Mancini.
Pour sa part, la commissaire Sylvia Lo Bianco abonde dans le même sens. « Ce sont des montants d’argents de surplus que nous avions mis de côté, et qui normalement devraient être dirigés vers les écoles et les élèves, souligne-t-elle. Je crois que notre responsabilité comme élu est de s’assurer que tous les montants d’argents qu’on reçoive soient dirigés vers les enfants. »
Elle affirme être pour la cause, mais aurait préféré que l’opposition de la Commission se manifeste autrement, notamment en mobilisant la communauté anglophone autour de ces enjeux. Elle craint d’ailleurs que les mesures gouvernementales ne mènent à une érosion des droits de la minorité anglophone. « Je suis en accord avec l’idée de protéger la langue et la culture française. Au Québec, nous sommes uniques et je suis fière d’être québécoise, mais il faut aussi protéger la culture minoritaire », pense-t-elle.
Réplique du gouvernement
Du côté de Québec, le Ministère de l’Éducation estime que le transfert d’écoles était nécessaire, compte tenu de la situation, et qu’il a permis d’éviter une catastrophe. « Il y a quelques mois, nous avons pris la difficile, mais nécessaire décision de transférer deux écoles presque vides, du réseau anglophone vers la Commission scolaire Pointe-de-l’Île (CSPI). Les écoles de cette dernière débordaient, et le droit à l’éducation de centaines d’étudiants était compromis », indique Francis Bouchard, attaché de presse du ministre Jean-François Roberge.
« Les commissaires d’EMSB devraient passer moins de temps à faire de la politique et plus de temps à se consacrer la réussite des élèves. » – Francis Bouchard, attaché de presse du ministre de l’Éducation
Il indique également que son gouvernement entend toujours déposer un projet de loi cet automne visant à améliorer la gouvernance scolaire en accordant davantage d’autonomie aux écoles, et que le projet de loi « respectera toutes les balises juridiques déjà existantes. »
En juin, le ministre Jean-François Roberge avait ordonné le transfert des écoles anglophones General Vanier et John Paul I vers la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île (CSPI), en raison d’un manque d’espace au sein de cette dernière.
En juillet, la CSEM s’était adressée une première fois aux tribunaux afin de demander une injonction, sans succès toutefois.