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Infirmière IPS : une lente intégration

Les infirmières IPS sont encore très peu présentes au Québec. Photo: Pixabay | Darko Stojanovic

Les infirmières praticiennes spécialisées (IPS), ou « superinfimières », restent très peu nombreuses dans le réseau de la santé. Un aspect qui pourrait bientôt changer avec le projet de loi 43.

Alors qu’une pénurie de médecins frappe l’est de Montréal, les IPS pourraient être une solution de rechange pour désengorger le système de santé, à condition qu’elles soient plus nombreuses. « Je crois que les gens veulent que leur problème se règle sans attendre 10 h à l’urgence, ironise Jérôme Rousseau, vice-président du Syndicat interprofessionnel de la santé. Leur présence permet aux médecins de se concentrer sur des problèmes plus complexes. »

Actuellement, elles ne sont que 36 au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal. Un nombre qui serait cependant appelé à augmenter rapidement. « C’est une profession très jeune, et on est en grand déploiement, rappelle Isabelle Besner-Leduc, chef de service au développement du rôle des IPS au CIUSSS de l’Est. C’est un dossier qui a beaucoup bougé dans les dernières années. » Elle sent à ce propos une volonté dans le milieu médical de faire des IPS des professionnelles à part entière.

Leur faible nombre peut aussi s’expliquer par les qualifications exigées d’elles. Pour devenir IPS, une infirmière doit d’abord avoir deux ans d’expérience clinique dans son domaine de spécialité, avant d’ensuite faire des études supérieures.

La ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, se donne un objectif ambitieux : elle souhaite que le Québec ait 2 000 IPS d’ici 2024.

Un chiffre qui serait difficilement atteignable dans les délais donnés, selon Luc Mathieu, président de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ). « Actuellement, seulement 46 % de nos membres sont détentrices d’un baccalauréat, révèle-t-il. Ça restreint le bassin de candidates potentielles. »

Un projet de loi pour élargir leur champ de compétence

Toujours en processus d’adoption, venant tout juste de franchir l’étape des consultations en commission, le projet de loi élargirait le champ de pratique des IPS pour leur permettre notamment de diagnostiquer des maladies courantes, de déterminer des traitements médicaux, et d’effectuer certains examens.

Des gestes qui étaient jusque-là réservés aux médecins, et qui leur donneraient un pouvoir semblable à celui qu’elles possèdent déjà dans les autres provinces canadiennes. Actuellement, celles-ci peuvent notamment prescrire certains médicaments et traitements, et utiliser des « techniques diagnostiques invasives ».

M. Rousseau, ajoute néanmoins un bémol et souhaiterait que le projet de loi aille plus loin. « Elles ne pourront soigner que les maladies courantes. À ce chapitre, ça devient plus complexe, et la définition n’est pas très claire, remarque-t-il. On souhaiterait que les IPS puissent diagnostiquer point, en fonction de leur formation, comme dans le reste du Canada. »

22% : C’est l’augmentation moyenne du nombre d’IPS au Québec dans chacune des cinq dernières années. Elles sont passées de 232 en 2013 à 484 l’année dernière.*

Pour rappel, les premières cohortes d’IPS ont débuté au début des années 2000. Initialement, celles-ci, peu nombreuses, œuvraient en milieux hospitaliers dans des champs limités. Ce sont des années plus tard qu’elles ont pu se spécialiser en soins de premières lignes, où elles sont aujourd’hui majoritaires.

Comparaison à l’échelle canadienne

En 2018, l’Ontario comptait plus de 3000 infirmières praticiennes
(équivalentes aux IPS d’ici), pour une proportion de 2,15 par 10 000 habitants.

Au Québec, le taux est de 0,58.

Dans l’ensemble du Canada, il est de 1,45.**

Un rôle à démystifier

Encore très peu présente dans le milieu de la santé, leur rôle n’est pas toujours très bien compris.

« Au niveau de leur intégration, ça demande beaucoup de travail pour clarifier leur rôle, croit Mme Besner-Leduc. Pour l’instant, ça se passe assez bien, les gens veulent travailler avec les IPS, mais c’est sûr qu’il faut clarifier certaines zones grises. »

Au fil du temps, le Collège des médecins du Québec et la Fédération des médecins spécialistes du Québec ont chacun exprimé, à quelques reprises, des réticences à accorder davantage de pouvoir aux IPS.

« Ce qu’on sent est qu’il y a une encore une tentative de contrôle. C’est culturel au système de santé québécois, on est très médicalo-centriste, avance M. Rousseau. Je ne peux pas aller plus loin, mais on sent qu’il y a encore une résistance. »

Pour sa part, Mme Besner-Leduc estime que cette opposition peut relever d’une certaine crainte de l’inconnu. Elle-même explique avoir mis en place au CIUSSS de l’Est plusieurs initiatives afin de faciliter l’intégration des IPS au sein des différentes équipes médicales. « Quand on peut adresser ces craintes et répondre aux questions, je crois que ça aide énormément », pense-t-elle.

IPS spécialisé en soins aux adultes et chargée de cours à l’Université de Montréal, Chantal Fortin abonde dans le même sens pour expliquer ces réactions. « Ce sont surtout les médecins de famille qui doivent redéfinir leur rôle, pense-t-elle. Les médecins spécialistes qui ont des IPS depuis plus longtemps savent qu’au bout du compte notre apport est positif. »

Les IPS sont sous-catégorisées en cinq spécialités.
Au CIUSSS de l’Est, il y en a :

  • 29 en première ligne.
  • 5 en Soins aux adultes
  • 1 en Santé mentale
  • 1 en Néonatalogie
  • 0 en Soins pédiatriques

*Source : Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ)
**Sources : College of Nurses of Ontario et l’OIIQ.

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