Handicapés: l’ombudsman rappelle la Ville de Montréal à l’ordre
Alors que des aménagements voient le jour en toute hâte dans la métropole pour faciliter le respect de la distanciation physique, l’ombudsman rappelle à la Ville que la crise du coronavirus ne doit pas justifier de contourner certains principes de base, comme le respect de l’accessibilité universelle, a appris Métro.
Le 20 mai, l’ombudsman de la Ville a acheminé un «avis de préoccupation» de trois pages à la mairesse de Montréal, Valérie Plante. Il s’adresse aussi aux maires et aux directeurs des différents arrondissements de la métropole. Ce document, dont Métro a obtenu copie, visait à rappeler les principes de base que la Ville doit respecter lorsqu’elle procède à des aménagements publics.
«On constate que dans le contexte actuel, la Ville est en train de mettre en place plein de mesures pour permettre aux gens de profiter de leur ville de façon sécuritaire. On est tout à fait d’accord avec ça, mais il faut que ça soit fait en respectant des principes de base», explique à Métro l’ombudsman de la Ville, Johanne Savard. Cette dernière quittera bientôt son poste, après 17 ans de service.
L’ombudsman veut prévenir des plaintes
Dans les dernières semaines, des corridors sanitaires ont vu le jour dans plusieurs secteurs pour faciliter le respect de la distance de deux mètres entre les piétons. La Ville a aussi dévoilé le 15 mai son Plan de déplacements estival, qui prévoit l’aménagement de 200 km de voies sécuritaires pour les piétons et les cyclistes cet été et la piétonnisation de plusieurs artères commerciales. Les travaux commenceront dès le début du mois de juin.
«On veut rappeler que même si c’est urgent, il y a des choses auxquels il faut penser. C’est important de le faire pour éviter qu’on ait plein de plaintes de citoyens», prévient Me Savard.
L’an dernier, l’ombudsman de Montréal a traité 1966 dossiers, dont plusieurs portant sur des pistes cyclables.
Accessibilité universelle
L’avis demande notamment à la Ville qu’elle s’assure que ses «nouveaux aménagements soient accessibles aux personnes à mobilité réduite» ainsi qu’à celles souffrant de troubles de vision, entre autres.
«Je peux vous dire qu’il y a beaucoup de personnes aveugles qui n’empruntent déjà pas les corridors sanitaires parce qu’ils ne sont pas sécuritaires», confie l’agent de développement du Regroupement des aveugles et amblyopes du Montréal métropolitain (RAAMM), Yvon Provencher. Ce dernier s’inquiète aussi de la possibilité que des commerces empiètent davantage sur le trottoir cet été, rendant les déplacements des personnes aveugles difficiles.
La présidente du Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec (RAPLIQ), Linda Gauthier, constate pour sa part que des personnes à mobilité réduite doivent maintenant se déplacer «quatre ou cinq arrêts plus loin» pour monter dans un autobus de la Société de transport de Montréal. Les corridors sanitaires empêcheraient le déploiement de la rampe du véhicule à plusieurs endroits.
«Il y a beaucoup de raisons de s’inquiéter des mesures qui sont mises en place dans le contexte de la crise sanitaire. C’est vrai que ça va vite. Peut-être un peu trop vite.» -Yvon Provencher, coordonnateur pour le RAAMM
En entrevue, le responsable de la mobilité au comité exécutif, Éric Alan Caldwell, a assuré que l’administration municipale «va tenir compte» de l’avis de l’ombudsman. Puisqu’il s’agit d’aménagements «souples» et temporaires, la Ville «pourra s’adapter facilement», si nécessaire, indique-t-il.
Consultations
Par ailleurs, l’ombudsman souligne que la Ville devrait consulter les commerçants et les citoyens concernés avant de réaménager l’espace public.
«Les consultations n’ont visiblement pas eu lieu, le cas du boulevard Saint-Laurent dans La Petite-Patrie en est le parfait exemple», a soulevé mardi en séance du conseil municipal la leader de l’opposition officielle, Karine Boivin-Roy. Lundi, la Ville a reculé dans son intention de fermer le boulevard Saint-Laurent à la circulation automobile après que ce projet ait soulevé l’ire de nombreux commerçants.
«On n’a pas le luxe de prendre le temps d’analyser la situation et de prendre des décisions pour l’année prochaine. Il faut agir maintenant», rétorque M. Caldwell.