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Le Mile-End, nouveau quartier queer de Montréal?

L'Aire commune, dans le Mile-End Photo: Gracieuseté/L'Aire commune

Alors que la jeunesse queer s’éloigne de plus en plus du Village, le quartier branché aux racines multiculturelles du Mile-End devient depuis quelques années le nouveau lieu d’accueil de la diversité sexuelle et de genre.

Selon une recherche menée en 2013 par la professeure adjointe affiliée à la Faculté des arts et des sciences de l’Université Concordia, Julie Podmore, de plus en plus de Montréalais qui s’identifient comme queers s’installent hors du Village gai. 

Mme Podmore a recruté des personnes queers étudiant aux cycles supérieurs, qui ont interviewé des membres de leur communauté pour recueillir leurs impressions sur le quartier. 

Conclusion: plusieurs préfèrent s’établir dans le Mile-End, situé à trois kilomètres au nord du Village. «Pour eux, il y avait un sentiment que le Mile-End est plus ouvert. Ce n’est pas nécessaire d’être identifié comme gai ou lesbienne. Ces identités-là sont plus associées avec des générations plus âgées», explique la professeure.

Débuts underground du Mile-End queer

L’arrivée de jeunes personnes queers dans le Mile-End a coïncidé avec l’émergence de ce quartier comme épicentre de la culture indépendante, explique Victor Junior Roberge. 

Âgé de 33 ans, l’homme gai a grandi dans le Mile-End et a été témoin de cette transformation alors qu’il se produisait comme Drag Queen au niveau de la scène underground du quartier. 

Pour lui, tout a commencé en 2006, au feu Cabaret Playhouse, situé à l’époque sur l’avenue du Parc entre les rues Bernard et Saint-Viateur. «C’était vraiment l’unique cabaret, il n’y en avait pas d’autres. Il n’y avait pas de place pour les gens marginaux dans le quartier, pour les personnes non binaires, queers ou trans. On était en pleine évolution», souligne-t-il.

Les «soirées underground», souvent illégales et produites par des personnes non-binaires et queers, ont pris de l’ampleur à partir de 2012, ajoute Victor Junior Roberge. 

Attirées par cette «effervescence», des personnes de la communauté LGBTQ+ ont commencé à s’intégrer au quartier du Mile-End. «Peuplez votre village et votre village se peuplera. Les gens se sont un peu rabattus vers nous», poursuit-il. 

Dans son désir de fournir une tribune à sa communauté, Victor Junior Roberge a eu l’intuition de fonder au sein de Radio Centre-Ville, située au cœur du Mile-End, l’émission de radio «Fraîchement Jeudi» en 2019, la seule émission de radio francophone exclusivement consacrée aux défis de la communauté LGBTQ+ au Québec. 

Le Mile-End, lieu d’accueil diversifié

Par ailleurs, si la jeunesse queer trouve le Mile-End plus accueillant, c’est aussi parce que c’est un quartier très multiculturel. En effet, en 2016, la population immigrante représentait le quart des résidents.

Membre de la communauté gaie, Jules Lessard s’est récemment installé dans le Mile-End après s’être fait évincer de son logement dans Rosemont-La Petite-Patrie. 

Son choix a été motivé par le fait que plusieurs autres personnes queers y habitent, mais aussi par la diversité du quartier. «Il y a beaucoup de communautés qui cohabitent, remarque-t-il. Il y a des juifs hassidiques, des communautés anglophones, des francophones, des immigrants d’un peu partout et beaucoup d’étudiants aussi.»

Jules Lessard est d’avis qu’une communauté marginalisée comme une communauté éthnique a tendance à accepter davantage les autres communautés marginalisées comme la communauté queer. C’est une observation que fait aussi Julie Podmore.

Toutefois, la chercheuse remarque que le Mile-End connaît un embourgeoisement depuis quelques années. La hausse importante des loyers a forcé certains établissements dirigés par des personnes queers, comme le café Cagibi et le Royal Phoenix Bar, à déménager ou à fermer leurs portes. 

Le Village? Trop stéréotypé et moins accueillant

Par ailleurs, pour la jeunesse queer, le Village est devenu un lieu de consommation et a donc perdu sa valeur. En effet, Jules Lessard et Victor Junior Roberge associent ce quartier aux «soirées plus folles» ou aux «soirées bien arrosées».

L’endroit est davantage perçu comme un lieu réservé aux femmes et aux hommes cisgenres blancs d’un certain âge, en plus d’être associé à une forte présence policière, au commerce et au tourisme.

En tant que femme bisexuelle, Mira Sophia a décidé de s’établir dans le Mile-End parce que plusieurs de ces amis y habitaient déjà. Elle trouve effectivement que les jeunes issus de la communauté LGBTQ+ préfèrent ce quartier au Village qui est plutôt «vieille école» et qui s’adresse davantage aux hommes homosexuels.

«L’environnement n’est pas très convivial et invitant non plus. Je me souviens qu’il y a à peine quelques années, c’était mitigé… Mais encore plus depuis l’arrivée de la COVID et la fermeture des clubs. Les gens préfèrent être dans un quartier plus accueillant, où ils se sentent davantage à la maison», évoque-t-elle.

Pour la chercheuse Julie Podmore, Hochelaga-Maisonneuve, Saint-Henri et Pointe-Saint-Charles sont des quartiers queers en devenir, et donc d’éventuels objets d’étude. Elle ajoute que les noyaux queers en milieu urbain représentent un nouvel archétype, propice à l’émergence de différentes cultures et orientations politiques.

Mme Podmore veut surtout mettre en lumière l’existence de quartiers qui comportent une densité croissante de personnes queers affirmées. «Nous devons prendre cela en compte en tant qu’urbanistes, gestionnaires municipaux et responsables des politiques au lieu de consacrer toute notre énergie aux villages gais», pense-t-elle.

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