Les intervenants des centres jeunesse à bout de souffle
Les intervenants des centres jeunesse de la région métropolitaine ont lancé un cri du cœur ce jeudi afin d’alerter le gouvernement du Québec sur leur surcharge de travail.
À Montréal, région durement touchée par la pénurie de personnel œuvrant dans les centres jeunesse (CJ) et pour la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), la situation est grave. Un sondage mené auprès du personnel en centre jeunesse au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal révèle entre autres que 78% des personnes sont incapables de prendre les pauses auxquelles elles ont droit, que 61% doivent travailler sur leur temps personnel pour répondre aux besoins des jeunes sous leur protection et que la moitié rapportent mal dormir, pleurer et même avoir mal au cœur avant d’aller travailler.
Voilà une des révélations de Caroline Letarte-Simoneau, représentante nationale de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (ATPS), lors du point de presse tenu le 8 décembre.
Une action d’éclat
Exprimant ce mécontentement lors d’une action d’éclat, les manifestants ont transporté un toutou géant sur une civière, geste symbolique ayant pour but de dénoncer les répercussions du manque de personnel.
«Cela fait des années que notre monde met les bouchées doubles, puis triples, pour garder le navire à flot, a décrié Caroline Letarte Simoneau. Ça ne peut pas continuer comme ça! Les données du ministère de la Santé et des Services sociaux nous apprennent qu’il faut attendre en moyenne 78 jours pour qu’un dossier soit évalué à Montréal. C’est le double de la moyenne provinciale.»
«C’est pour cela que l’on se mobilise aujourd’hui et que l’on va porter une charge symbolique à nos gestionnaires, a ajouté Caroline Letarte-Simoneau, représentante nationale de l’APTS pour le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. Elle illustre le poids qui pèse sur les épaules de nos membres. Sur celles et ceux qui doivent assurer la protection de nos jeunes et qui se retrouvent écrasés sous cette charge de travail.»
Listes d’attente interminables
Dix-huit mois après le dépôt du rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, l’amélioration des conditions d’exercice dans les centres jeunesse se fait toujours attendre et les listes d’attente s’allongent.
«Les délais sont interminables et les conditions sont excessivement difficiles dans les milieux de travail, a lancé le président de l’APTS, Robert Comeau. Nos membres sont à bout de souffle. Cette charge de travail démesurée mine leur capacité à offrir des services essentiels. Des standards de pratique qui apporteront de véritables améliorations sur le terrain doivent être établis rapidement.»
« Depuis le dépôt du Rapport de la Commission Laurent, l’APTS a talonné sans relâche le gouvernement pour que les recommandations soient concrétisées. Malheureusement, l’organisation syndicale dresse aujourd’hui un constat bien peu reluisant de la situation, et ce, partout au Québec », soutient Robert Comeau.
Il faut plus que des paroles et des mercis. On veut des actions concrètes qui ont des impacts rapides et mesurables sur le terrain.
Robert Comeau, président de l’ATPS
La crainte «d’échapper un dossier»
Selon Steve Garceau, représentant national de l’ATPS dans Lanaudière, les intervenants sont épuisés et vivent avec la crainte d’échapper un dossier ou de manquer de temps pour faire les suivis nécessaires, ce qui aurait des répercussions graves sur des vies d’enfants.
Ce n’est pas normal qu’au Québec, en 2022, on doive choisir quel enfant on va prioriser le lendemain. Les intervenants veulent le meilleur pour les jeunes et les aider de leur mieux, tout en ayant une charge de travail dont les objectifs sont atteignables en 35 heures.
Steve Garceau, représentant national de l’ATPS dans Lanaudière
«Peu importe les standards de pratique qui seront établis, si des gestes concrets ne sont pas bientôt posés en ce qui a trait à la rétention et à l’attraction de la main-d’œuvre en jeunesse, le problème va s’aggraver avec le temps. Au-delà de la volonté gouvernementale annoncée, il faut que des mesures applicables soient rapidement déployées sur le terrain», a conclu Robert Comeau