Fillette happée: un accident évitable?
La fillette de 6 ans happée par un automobiliste qui a ensuite pris la fuite, ce matin, à l’intersection des rues Rouen et Parthenais, dans l’arrondissement Ville-Marie, repose toujours dans un état critique. Alors que plusieurs résidents du secteur ont rapidement affirmé sur les réseaux sociaux que le secteur était dangereux pour les piétons, la conseillère de Ville Sophie Mauzerolle affirme être au courant de ces problématiques.
«C’est un quartier qui n’est pas évident, on a des grosses infrastructures de transport, on a le pont, on a des rues artérielles, donc, il y a un défi supplémentaire, mais on est vraiment à pied d’œuvre depuis 2017 à cet égard», a-t-elle affirmé, en entrevue avec RDI.
Considérant que la collision est survenue dans une zone scolaire où la limite de vitesse pour les automobiles est déjà basse, soit 30 kilomètres à l’heure, aurait-on pu faire plus pour protéger les piétons?
Pour l’organisme Piétons Québec, qui vise à promouvoir le déplacement piétonnier et la sécurité piétonnière, il y aurait beaucoup plus à faire pour protéger l’intersection où l’accident est survenu, et les zones scolaires en général. «Il n’y a pas de normes d’aménagement pour les zones scolaires», affirme d’emblée une membre de l’organisme. Et c’est pourtant par l’aménagement que passe la sécurité piétonnière, soutient-elle.
Plus qu’une limite de vitesse
«Imposer une vitesse maximum, c’est insuffisant. Il faut aménager la rue pour s’assurer du respect de la limite plus basse; par exemple, avec une avancée et une élévation du trottoir, on force la réduction de la vitesse à l’intersection en plus d’améliorer la visibilité des piétons et des automobilistes», nous dit la membre de Piétons Québec, qui s’est déplacée sur les lieux de l’accident. Elle témoigne d’ailleurs que peu d’automobilistes semblent y effectuer leur arrêt de manière adéquate.
Ce serait donc par des infrastructures de protection qui forceraient le ralentissement que l’on pourrait réellement atténuer le danger que pose la conduite automobile dans des secteurs où beaucoup de piétons circulent, croit-elle.
«On n’attend pas que ça arrive pour mettre en place des mesures dans le centre sud, a soutenu Mme Mauzerolle, en onde à RDI. Cet automne, on a mis plusieurs interdictions de virages à droite, des dos d’âne permanents et temporaires.»
Aucun dos d’âne ne se trouve cependant à l’intersection où la collision a eu lieu.
La dictature automobile
«La voiture n’a jamais été aussi omniprésente, au point où on peut dire qu’elle exerce une réelle dictature sur nos vies», suggèrent les chercheurs Martin Blanchard et Christian Nadeau dans le livre Cul-de-sac, l’impasse de la voiture en milieu urbain.
Il s’agit d’un constat fait envers le modèle de développement urbain péjorativement surnommé tout-automobile. Un modèle selon lequel tout, d’abord au plan urbain, est pensé selon la fluidité automobile.
Cette omniprésence de la priorisation de la voiture déborde également de l’urbanisme pour envahir d’autres aspects comme la santé et l’écologie, par exemple.
Les accidents de voiture causant énormément de morts et de blessés chaque année, les chercheurs se demandent pourquoi les gouvernements n’investissent pas beaucoup plus en solutions de rechange pour limiter ces morts plutôt que de continuer à paver des routes et des autoroutes? Pour l’urbaniste français Frédéric Héran, qui a critiquement analysé ce phénomène dans son livre La remise en cause du tout automobile, il s’agirait d’exemples de la culture du tout-automobile,
Et même si des mesures telles que celles suggérées par Piétons Québec, qui nuisent à la fluidité automobile, sont parfois mises en place par les autorités, ces situations où les passages automobiles sont repensés en fonction du passage des piétons représentent l’exception plutôt que la règle et sont installés en réponse à des problématiques existantes.
Le secteur du Centre-Sud ne fait pas exception à cette tendance. Dans son entrevue à RDI, Sophie Mauzarolle a évoqué que lesdites mesures mises en place pour protéger les piétons sont essentiellement pensées à court terme et seulement en réaction à des collisions.
Dans le premier plan d’action vision zéro, on avait mis en place l’équipe post-collision, une équipe qui se déplace quand il y a des décès ou des blessés graves pour faire une évaluation du secteur avec le SPVM ou avec les équipes d’arrondissement pour pouvoir proposer des mesures à très court terme, des mesures transitoires, mais aussi proposer des solutions à plus long terme au besoin.
Sophie Mauzerolle, conseillère de Ville du district Sainte-Marie