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Des heures à attendre l’ambulance avec une hanche disloquée

Nathalie Paquin est demeurée allongée sur le plancher de cuisine d’une amie pendant quatre heures. Photo: iStock, Josie Desmarais

À Montréal, une soirée entre amis a pris une mauvaise tournure lorsqu’une invitée a eu le malheur d’effectuer un faux mouvement. Elle s’est alors retrouvée au sol, la hanche luxée. Incapable de se relever et assaillie par d’intenses douleurs, elle a dû attendre quatre heures avant que les ambulanciers lui portent secours.

«Le moindre mouvement me faisait horriblement mal. Je suis restée allongée sur le plancher de cuisine, sans bouger, jusqu’à ce que l’ambulance arrive», relate Nathalie Paquin, jeune cinquantenaire qui s’était fait poser une prothèse de hanche il y a une dizaine d’années à cause d’une malformation congénitale.

Si elle avait déjà dû faire appel aux services ambulanciers par le passé parce que sa hanche s’était déjà disloquée, jamais elle n’avait attendu les secours aussi longtemps. «Sous le choc», Nathalie Paquin a vu, dans la nuit du 26 au 27 novembre dernier, les minutes se transformer en heures sous les regards inquiets de ses amis.

«Elle n’a pas été chanceuse»

Selon le système de priorisation des appels faits au 911, le degré d’urgence de la situation de Nathalie Paquin se trouvait à mi-chemin entre le niveau de haute priorité et de basse priorité. Ainsi, il a été établi que, malgré le fait que son état de santé comportait un «risque de détérioration», elle ne faisait pas face à un danger imminent de mort. Elle pouvait donc tolérer une certaine attente.

Pour les cas semblables à celui de Nathalie Paquin, le porte-parole d’Urgences-santé Jean-Pierre Rouleau précise que l’attente après l’appel se situe idéalement dans la demi-heure. Conséquemment, un délai d’intervention de quatre heures est «inacceptable», mais demeure «circonstanciel», explique-t-il.

M. Rouleau ajoute que dans la nuit du 26 au 27 novembre, «il manquait, au bas mot, une quinzaine d’ambulances sur le territoire», faute de main-d’œuvre. À cela s’est ajouté un volume d’appels particulièrement élevé. Ce serait ce concours de circonstances qui aurait fait en sorte qu’à quatre reprises, les ambulances qui devaient initialement prêter secours à Mme Paquin ont été détournées vers des appels plus prioritaires.

N’ayant pas été mis au fait de cette situation lors du premier appel à Urgences-santé, les amis de Mme Paquin, sans nouvelles depuis plus d’une heure, ont communiqué de nouveau avec les services d’urgence pour savoir si une ambulance était en route. La répartitrice leur a alors indiqué que celle-ci était bien en route et s’est enquis de l’état de santé de Mme Paquin. Le même scénario s’est ensuite répété à deux reprises, jusqu’à ce qu’une ambulance arrive finalement, quatre heures après l’appel initial. Au sujet des interactions téléphoniques ayant eu lieu avec les amis de Mme Paquin, le porte-parole d’Urgences-santé explique que celles-ci ont permis de vérifier la stabilité de l’état de Mme Paquin et que, même si «elle était en douleur et [que] c’est excessivement triste, il n’y a rien qui indiquait que sa vie pouvait être en danger». 

Durant les heures d’attente, Nathalie Paquin (à droite) était entourée d’amis, dont Caroline (à gauche). Photo: Gracieuseté, Nathalie Paquin

«Ça se bat aux portes pour sortir, pas pour rentrer»

Pour le président du Syndicat du préhospitalier, Claude Lamarche, l’incapacité des ambulanciers à répondre rapidement à un appel comme celui de Nathalie Paquin est attribuable, «sans vouloir l’excuser», au manque d’effectifs criant dans le secteur des services paramédicaux.

À Montréal, il mentionne qu’il est «très fréquent» qu’Urgences-santé n’arrive pas à déployer les effectifs «sécuritaires» nécessaires pour couvrir le territoire pendant les trois quarts de travail. Et ce, malgré les mesures incitatives proposées, le temps supplémentaire offert ou imposé et le renfort apporté par des agences de placement.

L’une des causes du problème de rétention et d’attraction de la main-d’œuvre, selon Claude Lamarche, serait les conditions de travail actuelles des ambulanciers. «Les gens quittent leur carrière d’ambulancier paramédical parce que ce n’est pas un métier attrayant. On est toujours les moins payés du réseau de la santé et des services d’urgence.»

Pour sa part, le représentant d’Urgences-santé tient à réitérer que tous les efforts sont déployés pour «embaucher des ambulanciers dès que l’occasion se présente» afin d’éviter que ce genre de situation «regrettable» ne se répète.

La considération de la douleur dans la priorisation des appels

À l’arrivée des secours au petit matin, Nathalie Paquin se souvient d’avoir vu des ambulanciers avec des mines «catastrophées» se confondre en excuses pour leur délai d’intervention. «Les ambulanciers m’ont précisé que les urgences traitées avant moi ne s’étaient pas avérées aussi urgentes que moi.»

Ébranlée par cette expérience, elle déplore que la douleur ne semble pas avoir été un facteur déterminant dans la priorisation de son appel par les services d’urgence.

«C’est sûr qu’ils portent d’abord secours aux personnes dont la vie est en danger, consent-elle. Je ne pouvais pas mourir de la luxation à ma hanche, mais c’est comme si on ne prenait pas en compte la souffrance.»

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