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Maison d’Haïti: 50 ans de «Mémoires vivantes»

La directrice de la Maison d'Haïti, Marjorie Villefranche, lors du gala du cinquantenaire à la Tohu Photo: Jean Numa Goudou/Metro

Il existe quatre moments, parfois graves et parfois heureux, dans l’histoire des 50 ans de la Maison d’Haïti (MdH) qui retiennent l’attention de sa directrice générale, Marjorie Villefranche. Le premier concerne une menace de déportation massive d’Haïtiens, dans les années 70, sous Pierre Elliott Trudeau. Le 2e est survenu en 1980 lorsqu’on accusait les Haïtiens d’être à l’origine du sida. En troisième lieu, il y a le tremblement de terre de 2010, qui a fait plus de 300 000 morts.

Mais il y a aussi eu des moments palpitants. Comme l’inauguration, en 2016, de la nouvelle bâtisse de la MdH. «La nouvelle maison, on était vraiment content, mais cela n’a pas toujours été le cas pendant toutes ces années», nuance la militante.

Créée en 1972, la MdH a conclu, à La Tohu dans Saint-Michel, son année de célébration du cinquantenaire par un gala sous le thème «Mémoires vivantes» en présence de nombreuses personnalités. L’ancienne gouverneure du Canada Michaëlle Jean, la sénatrice Marie-Françoise Mégie, le ministre québécois de la Lutte contre le racisme Christopher Skeete de même que les députés Frantz Benjamin, de Viau, et Madwa-Nika Cadet de Bourassa-Sauvé ont tous rehaussé l’éclat de la soirée.

«Nous avons voulu créer des retrouvailles. Avec tous les gens qui ont été sur le CA. Soit près de 90 personnes: les bénévoles, les usagers… On voulait les revoir, ce beau monde», raconte Mme Villefranche, en entretien avec Métro.

Double service

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a salué, dans une vidéo diffusée lors du gala, le 50e anniversaire de l’organisation. Il a indiqué que la mission de la MdH allait bien avec l’emblème du Canada, la feuille d’érable.

Le travail que vous faites ne se limite pas aux programmes et services que vous offrez. Il permet de tenir la promesse que représente notre feuille d’érable: la promesse d’ouverture envers les nouveaux arrivants, de nouvelles possibilités, d’inclusion.

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Mme Villefranche se dit satisfaite d’un certain nombre de succès obtenus par son organisme, même si «beaucoup reste à faire» dans le contexte actuel, selon elle. Après un demi-siècle, certains paradigmes ont changé et de nouvelles luttes sont à livrer, soutient la responsable communautaire.

«Au départ, dit la directrice de MdH, on était là pour aider la population qui venait d’arriver au pays. Maintenant, on le fait encore pour des gens qui arrivent, mais aussi pour les jeunes qui sont nés ici. On a comme un double service.»

Roxham, le chemin qui divise

«Les batailles à mener, c’est en faveur de cette culture afro-québécoise. Cette affirmation-là, on la veut. Les jeunes la réclament. Ils veulent leur place», affirme la militante communautaire.

Il y a aussi la bataille des personnes qui arrivent ici comme demandeurs d’asile que l’organisme n’entend pas oublier. Mme Villefranche déplore le fait que le Québec regarde la question de la migration avec des œillères. Près de 60 millions de personnes, selon les chiffres de l’ONU, sont actuellement sur les routes, en train de chercher un endroit où vivre.

«Chemin Roxham ne va pas s’arrêter, croit Mme Villefranche. Et devant l’afflux de tous ces gens (car ce sont des pays développés qui ont causé cette catastrophe), on se doit, comme pays, de regarder cela de façon plus large.» Selon elle, la province serait face à ses propres contradictions en matière d’immigration: des notes discordantes se feraient entendre au sein de la société québécoise sur la question migratoire, notamment de la part du politique et de l’économique.

D’un côté, il y a le discours, qu’on pense qui plaît à la population, à savoir qu’il y a trop de monde qui entre, mais en même temps, l’autre discours, c’est qu’on a besoin de main-d’œuvre. 

Marjorie Villefranche, directrice de la MdH

Si, au début, la mission de l’organisation était axée sur la défense de la communauté haïtienne, au fil temps, la MdH a ouvert son horizon sur toute la communauté immigrante. Au cours de la dernière année, plus de 12 000 personnes y ont été accueillies.

La directrice générale de la Maison d’Haïti, Marjorie Villefranche

Près de 50 ans de militantisme

Marjorie Villefranche gravite autour de la Maison d’Haïti – qu’elle dirige aujourd’hui – depuis 1975. Elle a commencé bénévolement avec son projet «Ti pye zorany» (petit oranger), une activité culturelle destinée aux enfants. Son militantisme communautaire se formait déjà dès 1973 lorsqu’elle participait à Ottawa à une manifestation contre la déportation massive d’Haïtiens.

Elle a été embauchée par l’organisme en 1983 et a travaillé comme directrice des programmes avant de prendre la tête de l’organisation quelques années plus tard.

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