Recours judiciaire pour repousser le démantèlement du campement Ville-Marie
Une injonction visant à faire repousser l’échéance donnée aux personnes en situation d’itinérance pour qu’elles quittent leur campement sous l’autoroute Ville-Marie a été déposée jeudi par la Clinique juridique itinérante (CJI).
La vingtaine de personnes qui forment cette communauté ont été averties au début du mois par le ministère des Transports du Québec (MTQ) qu’elles devraient quitter le campement avant la fin du mois de mars, en raison de la reprise des travaux majeurs sur l’autoroute Ville-Marie.
La CJI demande que le démantèlement du campement, situé près de la rue Guy et de l’avenue Atwater, soit repoussé au 15 juillet. Un évincement abrupt comme celui que prévoit le MTQ «ne permettrait pas d’effectuer une transition de façon adéquate et sécuritaire», plaide-t-on dans la demande. La décision du ministère porterait notamment atteinte aux droits à la liberté, à la sécurité et à la dignité des personnes forcées de se déplacer, droits garantis par les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés.
Si le campement où demeure la Communauté est démantelé, les membres de la Communauté se retrouveront en détresse psychologique, livrés à eux-mêmes pour se relocaliser en plein hiver.
Extrait de la demande d’injonction de la Clinique juridique itinérante
Les risques pour les personnes forcées de se relocaliser seraient accrus en hiver et les refuges ne sont pas une option viable, aux dires de la CJI. Peu de lits sont disponibles, et plusieurs personnes se sont initialement retrouvées au campement parce qu’elles ne pouvaient pas vivre en refuge en raison de leurs besoins particuliers.
Beaucoup d’entre elles ont des problèmes de dépendances ou de santé mentale, ou ne veulent pas se séparer de leur conjoint ou de leurs animaux de compagnie comme l’exigent généralement les refuges, précise l’organisme de promotion de l’accès à la justice pour les personnes en situation d’itinérance.
«On a entamé l’année dernière des travaux de réparation de six structures, a indiqué à Métro la porte-parole du MTQ, Sarah Bensadoun, au début du mois de mars. À l’heure actuelle, les campeurs se trouvent sur une propriété privée, qui est celle du Ministère, et ce sera aussi une zone de chantier jusqu’en 2025. C’est impossible d’effectuer les travaux avec la présence de campeurs sans avoir de répercussions sur leur santé et leur sécurité.»
Une communauté solidaire et plus sécuritaire
Par ailleurs, le campement permet une forme d’entraide pour cette population extrêmement vulnérable, selon la CJI. Certaines personnes y habitent depuis plusieurs années. Un résident qui y vit depuis 10 ans agit comme «protecteur» en aidant les autres «à se nourrir, à gérer leur consommation de drogues et d’alcool et [en] les assistant avec certaines urgences en matière de santé», illustre l’organisme dans sa procédure. Des trousses de Naxolone et un antidote au fentanyl sont également disponibles sur place, précise-t-on également.
Le démantèlement risque donc de mener à davantage d’instabilité et d’isolement, les personnes en situation d’itinérance ayant à se relocaliser dans des endroits plus reclus, craint la clinique juridique.
«Habiter en groupe permet un plus haut niveau de sécurité que d’habiter seul: les membres se protègent réciproquement lorsque quelqu’un dort ou est intoxiqué par la drogue et/ou l’alcool, et peuvent appeler à l’aide pour une personne en détresse», mentionne-t-on dans la demande.
La demande d’injonction sera plaidée le 22 mars prochain devant la Cour supérieure du Québec.