Communauto partout à Montréal: la demande se fait attendre
Communauto veut se positionner comme un joueur de premier plan dans la lutte contre l’auto solo, offrant une alternative lorsque le transport en commun et le vélo ne sont pas une option. Or, paradoxalement, son service d’autopartage laisse à désirer aux extrémités de l’île de Montréal, là où les citoyens sont déjà moins bien desservis en matière de transport.
Actuellement, il n’y a aucun service d’autopartage dans les arrondissements de Pierrefonds-Roxboro et de L’Île-Bizard–Sainte-Geneviève. Le service est également limité dans l’ouest de l’île de Montréal, à partir de Saint-Laurent et de Lachine, ainsi que dans l’est à partir de Saint-Léonard et de Montréal-Nord.
La demande en périphérie est actuellement insuffisante pour que le service soit viable, explique en entrevue le vice-président développement stratégique chez Communauto, Marco Viviani. Déployer davantage de véhicules dans ces secteurs équivaudrait à «gaspiller des ressources», qui pourraient être mieux utilisée ailleurs.
La dépendance à l’auto solo dans les quartiers excentrés est un frein à la couverture complète partout sur l’Île, déplore M. Viviani. «On est dans une société où la voiture prend beaucoup de place. Ça prend un certain temps pour que d’autres solutions soient déployées», reconnaît-il, espérant voir une couverture sur l’ensemble du territoire d’ici 5 à 10 ans.
Ça ne sert à rien de tirer les fleurs pour les faire pousser. Il faut attendre qu’elles poussent. Quand on voit le petit bout de fleur, on arrive avec l’engrais.
Marco Viviani, vice-président développement stratégique de Communauto
Sortir de la logique de l’œuf ou la poule
La responsable du transport et de la mobilité à la Ville de Montréal Sophie Mauzerolle souhaite sortir de cette logique de l’œuf ou la poule. Il faut offrir l’autopartage dans les quartiers excentrés pour induire un changement de comportement, estime-t-elle. «Si on veut que les gens fassent un choix autre que l’auto solo, il faut qu’on soit capable de leur fournir des solutions alternatives.»
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Un cocktail qui inclut également un réseau de transport en commun structurant et l’élargissement du service Bixi, précise-t-elle.
Quand Communauto a commencé à se déployer, la demande n’était pas «extraordinaire partout», rappelle l’élue. «Là, on sent l’engouement, l’appétit.»
Une pénurie jusqu’en 2024
«[Le manque de service aux extrémités de l’Île] n’est pas un enjeu règlementaire d’espaces sur rue. C’est un enjeu d’approvisionnement de véhicules», soutient Sophie Mauzerolle.
«Éventuellement, on souhaiterait aussi qu’il y ait de nouveaux joueurs pour offrir des services complémentaires à ceux de Communauto», ajoute-t-elle.
Le nombre d’abonnements à Communauto a explosé dans les dernières années. Le taux de croissance annuel varie entre 30 et 35%, et 10% des ménages montréalais sont abonnés au service d’autopartage, selon l’entreprise.
Cette hausse significative des abonnés et les problèmes d’approvisionnement à l’échelle du marché aggravent la pénurie de voitures disponibles. Pénurie qui devrait perdurer au moins jusqu’en 2024, confie M. Viviani.
Communauto n’a obtenu que 600 des 800 véhicules qu’elle a commandés en 2022. Pour 2023, les différents fournisseurs de l’entreprise ont confirmé la livraison de 900 des 1300 véhicules commandés.
De plus, tout comme l’année dernière, une part importante de ces véhicules seront reçus après l’été, période où la demande est la plus importante, souligne Marco Viviani. Les fournisseurs disent vouloir prioriser les ventes aux particuliers qui n’ont pas encore été livrées avant celles de Communauto. Pour tenter d’atténuer la pénurie, l’entreprise est passée d’un seul fournisseur – Toyota – à cinq.
En raison des délais d’attente, Communauto pourrait perdre la confiance des Montréalais, reconnaît M. Viviani. Une crainte qui ne devrait pas se matérialiser à court terme, souligne-t-il, puisque le nombre de désistements n’a pas augmenté dans les dernières années.
Les utilisateurs du service FLEX [NLDR : véhicules en libre-service] doivent aussi revoir leurs attentes, estime Marco Viviani. «L’autopartage, ce n’est pas un taxi. C’est normal d’attendre 10 à 20 minutes pour qu’une voiture se libère à proximité.»
«L’autopartage, ce n’est pas fait pour aller travailler toute la semaine, poursuit-il. C’est fait pour être utilisé de temps en temps, quand on a besoin, Les abonnés les plus heureux, ce sont ceux qui utilisent d’autres options de transport [comme le vélo et transport en commun] lorsque c’est plus efficace.»
La Ville en mode projet-pilote
Pas question pour Communauto de rester les bras croisés, insiste son vice-président. L’entreprise continuera son travail promotionnel pour faire connaître le service et le démystifier, tout en essayant de conserver des tarifs abordables.
«Il faut faire une distinction entre FLEX et le service en station, souligne M. Viviani. Pour le service en station, le principal défi est de trouver suffisamment d’espace, explique-t-il, tandis que pour le service FLEX, il faut minimiser les barrières de stationnement, faire connaître le service et mettre en place des incitatifs. La Ville n’a pas beaucoup de leviers pour faciliter ça», reconnaît-il.
«Les territoires sont déjà ouverts à la desserte de Communauto, assure Sophie Mauzerolle. Dans le premier mandat [de Projet Montréal], on a vraiment simplifié la règlementation pour permettre un déploiement à plus grande échelle.» La ville-centre a également rapatrié les compétences des arrondissements en matière de stationnement des véhicules libre-service pour que Communauto n’ait qu’un seul interlocuteur.
On collabore avec Communauto pour lui simplifier la vie le plus possible.
Sophie Mauzerolle, responsable du transport et de la mobilité au comité exécutif de la Ville de Montréal
«On est en mode projet-pilote, déclare la conseillère de Ville. On teste différentes stratégies dans différents arrondissements.»
La Ville travaille notamment avec l’Agence de mobilité durable pour atténuer les impacts des opérations de déneigement des rues sur le stationnement des véhicules FLEX, affirme-t-elle. L’administration municipale considère également exiger des promoteurs immobiliers qu’ils réservent une partie des stationnements des nouveaux projets à l’autopartage.