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Vivre à un… et vivre heureux

Les Montréalais sont les champions canadiens des ménages solos. Près de 40 % des ménages de la métropole sont constitués d’une seule personne, selon les données du dernier recensement. En comparaison, ces chiffres atteignent
30 % à Toronto, 28 % à Halifax et 26 % à Calgary.

Dans certains arrondis­sements de Montréal, comme Ville-Marie et le Plateau-Mont-Royal, ce taux dépasse 50 %. «On suit la tendance des villes américaines et européennes», explique Johanne Charbonneau, directrice de l’Institut national de recherche scientifique (INRS), Urbanisation, culture et société. La chercheuse a piloté l’étude Habiter seul, vivre isolé? dont Métro a obtenu les résultats préliminaires.

Menée dans deux arrondissements où le taux de ménages solos est élevé (Plateau, 52 %, et Rosemont-La Petite-Patrie, 47 %), l’étude démontre la dichotomie entre habiter seul et être seul. «La plupart des personnes qui habitent seules ont un réseau social très développé, constate Mme Charbonneau. Ce sont des personnes qui circulent beaucoup à pied, qui fréquentent les lieux sociaux, qui ne vivent pas beaucoup dans leur logement.» C’est ce qui explique qu’elles élisent domicile dans les quartiers centraux et qu’elles débordent maintenant dans les quartiers périphériques. «Le quartier est parfois presque aussi important, sinon plus, que le logement», relate l’étude.

Une réalité différente
La population solitaire a bien changé au cours des dernières années. «Avant, les gens qui habitaient seuls étaient les personnes âgées veuves et les marginaux, avance Mme Char­bonneau. Depuis quelque temps, la famille a changé. Les couples ont des enfants plus tard, les séparations sont nombreuses. L’instabilité du couple fait qu’il y a des épisodes de solitude. C’est ça qui est différent.»

«Le regard des autres est aussi mieux assumé, ajoute-t-elle. C’est devenu socialement acceptable d’habiter seul.» Les quartiers s’adaptent également. «Les commerces s’adaptent. Quand on va à la pharmacie, on voit de grands congélateurs de plats congelés», illustre Johanne Charbonneau. Une nourriture sur mesure pour les ménages solos. Il est prouvé que les gens habitant seuls s’alimentent moins bien et mangent plus rapidement.

Trois solos se racontent…

  • Le début de l’âge adulte
  • «En tant que nouveau professionnel, j’avais besoin d’avoir un espace privé. Pour moi, ça marque le début de l’âge adulte.» Nouvel enseignant au secondaire, Maxime, 23 ans, habite seul depuis un an. Après plusieurs années en colocation, il a préféré la vie en solo. «J’avais besoin d’un endroit plus calme, confie-t-il. Je crois que la colocation m’a vraiment incité à vivre seul.»

    «J’ai dû trouver un appartement un peu moins beau, un demi-sous-sol au lieu d’un beau logement avec des plafonds hauts», raconte-t-il. C’est la notion du «choix contraint» relevée dans l’étude Habiter seul, vivre isolé? de l’INRS.

    Plusieurs répondants «mettent en doute la possibilité de choisir, tant son logement que son mode de vie». «Mais je suis conscient que ce n’est qu’un espace transitoire», admet Maxime.

  • Faire «appartement à part»
  • Lyne, une traductrice de 34 ans, est en couple depuis 10 ans, mais elle a son propre appartement où elle vit avec sa fille de 8 ans. «Vivre ensemble, ce n’est pas obligatoire, avance-t-elle. L’autre appartement est un atelier. Pour l’essentiel, c’est un lieu de travail.

    Mon chum y a toutes ses affaires et il y dort souvent parce qu’il veut travailler tard et s’y remettre dès son lever. Quand il a la tête ailleurs parce qu’il est trop débordé, j’aime autant qu’il reste chez lui!»

    Les deux logements sont à quelques pas l’un de l’autre et en attendant de trouver un logement comprenant un espace pour l’atelier bien délimité, «on continue de regarder, sans être pressés», explique Lyne.

    La disproportion des obligations envers leur fille, qui est entièrement à la charge financière de Lyne, a été le principal inconvénient à ses yeux. «D’une certaine manière, je suis toujours de service en plus de gagner ma vie, relate-t-elle. Tandis que mon chum peut aller et venir sans se faire trop de soucis. Ça ne va pas sans heurts.»

    Si la principale intéressée se plaît bien dans sa situation et se dit prête à attendre d’avoir son «premier appartement avec son chum à la retraite», elle a souvent l’impression de devoir s’expliquer à son entourage. «Mes amis ont souvent tendance à remettre les choses dans le « bon ordre » dans leur tête. J’ai souvent le sentiment que les gens plaquent leur réalité sur la nôtre», mentionne-t-elle.

  • Tout seul et bien
  • Longtemps «Tanguy», Jean-Sébastien, 32 ans, vient de passer sa première année seul en logement. «Ce mode de vie correspond à ce que je veux pour le moment», constate-t-il. Le recherchiste avoue qu’après cette année, il ne pourrait «jamais» revivre en colocation en dehors d’un cadre amoureux.

    Un constat remarqué par Johanne Charbonneau. «Les gens qui vivent seuls, prennent parfois des plis de vieux garçons, ils ne veulent pas revivre en colocation», remarque la chercheure.

    «Je me sens bien [chez moi], loin de tout le bruit quotidien, explique Jean-Sébastien. En revanche, quand j’y suis trop longtemps, j’ai besoin de sortir. J’ai une vie sociale très active PARCE QUE j’habite seul.» «Les gens qui habitent seuls ont souvent des métiers où ils sont en relation avec beaucoup de monde, dit Mme Charbonneau. Ça leur fait du bien de se retrouver seuls à la maison.»

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