Les robots
Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.
Ligne verte, direction Angrignon, station Guy-Concordia. Nous sommes vendredi, il est 17 h 50.
L’une des portes de notre métro refuse obstinément de se fermer. On ne sait pas trop laquelle, mais ce que l’on sait, c’est que le conducteur(trice) joue de l’accordéon avec le système d’ouverture et de fermeture, ce qui donne au véhicule un air de robot détraqué.
En fait, c’est exactement ce qui se passe : un sac, une botte pointue, un parapluie ou un ventre un peu rond vient probablement faire obstacle au bon fonctionnement des choses. Un petit rien qui dépasse et c’est la confusion qui s’exprime en un keukling, keuklang affolé.
Nous, passagers, à la fin de notre journée de labeur, avons la mèche un peu courte et soupirons devant cette chorégraphie syncopée.
«C’est ridicule!» de dire un homme en complet-cravate qui commence visiblement à avoir chaud.
Une voix féminine pré-enregistrée, tout aussi exaspérée que celle du monsieur, demande aux usagers de bien vouloir dégager les portes.
Rekeukling et rekeuklang. Rien n’y fait.
L’homme en complet a de plus en plus chaud, et la voix enregistrée se fait de plus en plus insistante. «Coudonc! C’est qui le tapon qui nous empêche de rentrer chez nous?!» de dire l’homme en sueur.
Il pointe une affichette qui, fixée au mur, indique qu’une amende sera imposée à quiconque bloque les portes. Il souhaite de tout cœur cette pénalité à celui ou à celle qui s’est placé en travers de notre voie.
La voix de la dame se joint à la sienne. Nous nous trouvons au sein d’un chœur cacophonique composé de portes qui s’ouvrent, qui se ferment, de monsieur fâché et de voix d’automate qui résonne dans les couloirs de la station.
Soudain, un troisième joueur vient se joindre aux autres. Une voix d’homme celle-là, qui s’excuse auprès de la clientèle et nous avise que nous devrons descendre du métro, car un bris mécanique l’oblige à procéder à l’évacuation.
Les portes ne sont pas bloquées par un humain, mais simplement électroniquement détraquées. L’homme qui a chaud, de bonne guerre, le réalise en sortant et en maudissant cette fois les robots.