Prendre la parole contre les pesticides
On ne parle pas beaucoup de pesticides. Ils sont pourtant très dangereux et se retrouvent partout: dans les produits contre les fourmis dans votre sous-sol, dans l’eau que vous buvez et sur les aliments que vous consommez. Pour l’instant, on parle de pesticides, majoritairement, dans des officines gouvernementales. Les entreprises qui fabriquent et distribuent ces produits aimeraient bien que cela reste ainsi.
N’en déplaise à l’industrie, le débat va maintenant se déplacer sur la place publique.
Équiterre, la Fondation David Suzuki et Ecojustice ont récemment réussi à forcer le Gouvernement fédéral à réévaluer publiquement des centaines de produits contenant des pesticides dangereux pour l’environnement et la santé humaine. C’est une petite victoire, mais il reste encore beaucoup de travail à faire.
En 2006, le gouvernement a modifié sa Loi sur les pesticides pour y inclure un article qui l’obligeait à procéder à une révision publique d’un pesticide dès qu’il devenait interdit dans un pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique). Or, même si des dizaines de produits permis ici étaient interdits en Europe ou au Japon, jamais le Fédéral n’avait procédé à une révision publiquement.
L’atrazine, l’un des produits concernés, est banni en Europe depuis 2004, mais il est encore homologué pour son utilisation sur les cultures de maïs au Canada. L’atrazine est un herbicide fréquemment détecté dans l’eau de surface et l’eau souterraine au pays, et constitue un risque pour la santé en tant que perturbateur endocrinien. Qui plus est, les agriculteurs à qui nous avons parlé nous disent qu’il existe des alternatives pour ce produit.
Nous avons donc gentiment écrit à la ministre de la Santé pour lui souligner ce manque; la réponse que nous souhaitions n’est toutefois pas venue.
Dix mois après avoir écrit la lettre, toujours rien. Nous avons donc dû trainer le Gouvernement du Canada en Cour fédérale pour qu’il accepte finalement de procéder à ces révisions. Puisqu’il ne voulait même pas procéder à des révisions, on peut se demander si celles-ci serviront à quelque chose. Serons-nous pris avec des produits dangereux dans nos cours d’eau, dans nos maisons et sur nos aliments alors que les Européens les jugent trop dangereux pour la santé humaine? Nos citoyens pourront-ils un jour bénéficier de la meilleure protection à cet égard?
Ce gouvernement a une feuille de route horrible sur l’environnement. Je n’ai donc pas espoir qu’il interdira ces produits de lui-même. Notre victoire lui impose toutefois de faire une chose qu’il n’a jamais faite concernant les pesticides: consulter. Pour la première fois de l’histoire, il sera donc possible pour des chercheurs indépendants, experts, médecins et groupes de citoyens de se faire entendre sur l’impact de ces produits. La décision ne se prendra donc plus derrière des portes closes entre des fonctionnaires et des «experts» financés par l’industrie.
La transparence de ce processus rendra, au moins, plus difficile politiquement d’homologuer des pesticides soupçonnés d’être cancérigènes.
Il reste à voir si les chercheurs auront le courage de prendre la parole publiquement. Espérons que la défense de l’intérêt public primera sur la crainte de se faire couper leur financement ou attaquer par une industrie qui n’a aucun scrupule quand vient le temps de défendre ses profits faramineux.