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Pleurs et chagrins

Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Ligne orange du métro. Quai de la station Sherbrooke, direction Côte-Vertu. Il est 17 h 30.

Un trio agité se trouve à mes côtés. Une jolie maman toute blonde et menue, fin trentaine, tient dans ses bras une petite fille de quelques mois. Près d’elle, aussi blonde et arborant de longues nattes, son aînée qui a six ans fait des pirouettes. Cette dernière s’appelle Anna, sa mère Irina, et la mini, Victoria. La petite rechigne et cambre son corps, voulant se déprendre de l’étreinte maternelle pour rejoindre sa sœur, au sol.

Victoria fait ses dents. C’est ce que trahissent ses joues rouges, son regard un peu fiévreux et ce poing qu’elle mâchouille avec acharnement.

Irina laisse descendre sa benjamine, qui tombe sur les fesses immédiatement et redouble de sanglots. Elle hurle. L’écho de sa colère doublée de douleur résonne tout partout autour de nous. Anna aide gentiment sa petite sœur à se relever, mais trouve rapidement mieux à faire que de prendre soin de sa cadette.

Elle décide de faire de la gymnastique sur le quai et fait la roue. Elle accroche légèrement un monsieur avec ses bottes. L’homme ne s’en formalise pas, mais la mère est catastrophée. Elle s’adresse à sa grande, dans sa langue maternelle qui est l’ukrainien. On ne comprend rien, mais on saisit tout. Anna se calme quelques secondes.

Un bref moment d’accalmie que Victoria choisit pour se diriger dangereusement, en dodelinant, vers la bordure du quai. La mère la rattrape avant qu’elle n’aille trop loin et, pour la distraire, sort de son sac un petit éléphant en peluche rose bonbon. La petite l’empoigne avec enthousiasme.

Pendant ce temps, la jeune athlète poursuit ses routines énergiques. Irina la saisit par le poignet, la sommant d’arrêter. Anna, en guise de réponse fait la split sur le sol souillé.

Le métro arrive. Lorsqu’il démarre, je m’aperçois que le toutou de Victoria est resté sur le quai. Elle aussi l’aperçoit et le pointe de son index minuscule. Un peu de désarroi traverse son regard. Cette fois, seules de grosses larmes déferlent sur ses joues. Car son émotion n’est pas liée à la douleur ou à la frustration, mais bien à de la peine. Un vrai gros chagrin, qu’elle pleure en silence.

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