L’accueil de patients étrangers au Québec serait mal encadré
Dans un rapport publié lundi, le Protecteur du citoyen blâme le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) pour le traitement d’une citoyenne du Koweït à l’hôpital Royal Victoria en décembre 2011.
Cette femme était venue expressément au Canada pour subir une chirurgie cardiaque nécessitant des soins complexes qui n’étaient pas disponibles dans son pays, moyennant un paiement de 200 000$ par le ministère de la Santé du Koweit. Elle a été hospitalisée un mois dans une chambre du Royal Victoria, qui fait partie du CUSM.
Ce qui pose problème, selon l’enquête du Protecteur du citoyen, c’est que l’admission de la patiente «s’est faite en dehors des mécanismes habituels d’accès et de tout encadrement gouvernemental», conclut le rapport. «Ce jour-là, 38 Québécois étaient en attente d’une chirurgie cardiaque, a affirmé Raymonde Saint-Germain, la protectrice du citoyen. Le dossier de la dame du Koweït n’a pas été comparé aux dossiers de ces personnes pour une chirurgie au même département.»
Mme Saint-Germain s’inquiète aussi que les profits encaissés par cette visite ne soient pas tous réinvestis dans le système public. C’est que le CUSM a fait affaires avec une compagnie privée, le Montreal Medical International (MMI), chargée de gérer le côté administratif de la coopération entre le CUSM et le Koweït. «On a découvert une marge de 30% de la facturation ajoutée au montant prévu par les règles québécoises de facturation pour les étrangers, et c’est ça qui est versé au MMI», a expliqué Mme Saint-Germain. Le CUSM a toutefois gelé tout versement de ce montant pour la durée de l’enquête et attend de s’asseoir avec le ministère de la Santé pour en déterminer le sort.
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La protectrice du citoyen estime que l’accueil de patients étrangers pourrait devenir une pratique courante, puisque plusieurs hôpitaux universitaires souhaitent développer des ententes de coopération avec d’autres pays. C’est d’ailleurs dans le cadre d’un contrat de partage d’expertise conclu entre le CUSM et le ministère de la Santé du Koweit que la patiente est venue au Québec, bien que le contrat ne prévoyait pas d’échange de patients.
Normand Rinfret, directeur général du CUSM croit de son côté que recevoir des patients de l’étranger permet au CUSM d’encaisser de l’argent supplémentaire et ultimement de traiter plus de Québécois. «C’est un débat social qui doit arriver ici, a-t-il jugé. Les hôpitaux universitaires de Toronto reçoivent déjà des patients de l’étranger, pour le cancer par exemple.»
M. Rinfret assure qu’aucun Québécois n’a été privé de soins en raison de la présence de la Koweïtienne. «Le financement gouvernemental n’était pas suffisant pour nous permettre de traiter ces 38 patients», a affimé M. Rinfret. Mais le financement du Koweit nous a permis d’ouvrir une chambre et une salle d’opération.»
Le Protecteur du citoyen craint toutefois que de telles pratiques entraînent des inégalités d’accès aux soins pour les citoyens québécois alors que le réseau de la santé est déjà surchargé. Il a émis plusieurs recommandations au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) afin de mieux encadrer l’accueil de patients étrangers au Québec. Le ministère devrait notamment se réserver le pouvoir d’autoriser de tels accueils.
Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a commandé lundi matin un plan d’action du ministère pour que les recommandations du rapport soient mises en œuvre. Le CUSM s’est de son côté engagé à revoir ses procédures administratives entourant l’admission et la facturation de ressortissants étrangers.