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La fausse bonne idée

Hasidic Jews walk along Bernard Street in Outremont Wednesday, November 16, 2016 in Montreal. Citizens will vote in a referendum on whether to overturn a bylaw banning places of worship on Bernard Avenue, a busy and colourful street in the borough of Outremont. THE CANADIAN PRESS/Ryan Remiorz Photo: Archives Métro

Difficile de s’opposer, d’ordinaire, à la tenue d’un référendum. Le concept de démocratie repose, en plusieurs sens, sur le lit de la volonté populaire. Sur le fait que les institutions doivent jouir d’un minimum de légitimité, sans quoi une crise sociétale, d’importance ou non, sera inévitable. La preuve récente? Les résultats du Brexit et l’élection de Trump, lesquels partagent la même racine: une impression, juste ou non, que les élites et «leurs» institutions se liguent systématiquement contre les intérêts populaires.

Cela étant dit, il importe que certains sujets demeurent à l’abri de la volonté populaire. Au premier chef, la protection des minorités. Pourquoi? Parce que par définition, une minorité est… minoritaire. Le rapport de force s’en trouve démesuré, inégal. C’est d’aillleurs pourquoi les États libéraux se sont, aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, graduel­lement dotés de chartes des droits, calquées sur
la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Est-ce à dire qu’on ne peut jamais discuter des droits des minorités et de la pertinence de tel ou tel aménagement? Bien sûr que non. Il s’agira plutôt d’assurer un jeu d’équilibre, bien souvent délicat, entre volonté populaire et intérêts de groupes minoritaires.

Cela étant, pas sûr que le référendum constitue, à cet effet, la plus brillante des idées. Toujours mal à l’aise, pour tout dire, avec son sous-entendu: on a gagné, donc maintenant, vos gueules. Ouais, bon. C’était plutôt clair que t’allais gagner, mon vieux. Tu es…majoritaire. Et si, contre toute attente, la minorité l’emporte? On dira alors que celle-ci prend trop de place, a trop d’influence, qu’elle «envahit». La cassette. Un perdant-perdant, quoi.

Outremont, maintenant. Diverses tensions, depuis un certain temps, entre l’arrondissement et la communauté juive hassidique. La solution? Un référendum pour bannir de nouveaux lieux de culte sur la rue Bernard. Bien que la question ne réfère à aucune religion précise, pas besoin de la tête à Papineau pour piger qu’on vise ici, hypocritement, les hassidiques. Ceux-là même qui ont obtenu, récemment, un permis afin de construire une synagogue sur l’artère en question…

Question : une municipalité peut-elle légalement déterminer les emplacements des lieux de culte, quitte à les interdire à certains endroits? Oui. L’avenue Van Horne, sur laquelle il est proscrit de construire tout établissement religieux, en constitue un bel exemple.

Alors pourquoi cette volonté de l’arrondissement de recourir au référendum? Quelle nécessité? Aucune, sinon celle-ci: se cacher, peureusement, derrière le voile de la volonté démocratique. Se servir du poids de la majorité afin d’humilier une communauté plus faible en nombre. La démocratie a parlé. Ta gueule, maintenant. Cheap.

De dire Camus: «La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection des minorités.» Conceptuellement, pas clair que le père de L’étranger vise juste. Mais son propos rappelle au moins une chose: la richesse d’une démocratie, une vraie, va au-delà d’une simple mathématique référendaire. Gagne ou perd.

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