La Cour suprême et les terres sacrées autochtones
OTTAWA — Le feu vert donné aux promoteurs qui veulent construire une station de ski sur des territoires considérés comme sacrés par une Première Nation de la Colombie-Britannique ne viole pas le droit à la liberté de religion garanti par la Charte canadienne des droits et libertés, conclut la Cour suprême.
La première nation Ktunaxa considère que la région au pied du mont Jumbo, dans le sud-est de la province, est un territoire sacré qui abrite l’«Esprit de l’Ours grizzly». Les Ktunaxa soutiennent que la construction d’une station de ski chasserait cet esprit principal de leurs croyances religieuses, et que les territoires sacrés devraient être protégés par la Charte, au chapitre de la liberté de religion.
Le plus haut tribunal du pays se range à l’avis de deux tribunaux inférieurs et conclut que les garanties de la Charte en matière de liberté de religion ne s’étendent pas aux territoires sacrés. «Bref, la Charte protège la liberté de culte, mais non le point de mire spirituel du culte», écrivent sept des neuf juges.
La Cour suprême juge aussi qu’en approuvant le projet immobilier, le ministre provincial des Forêts, des Terres et des Ressources naturelles n’avait pas agi «déraisonnablement» en concluant que le processus de consultation avec les Ktunaxa avait été respecté, en vertu de l’article 35 de la Constitution, qui prévoit que la Couronne a une obligation de consultation et d’accommodement avec les Autochtones.
«Nous arrivons à ces conclusions en étant conscients de l’importance de protéger les croyances et pratiques religieuses des Autochtones et du rôle que joue une telle protection dans l’atteinte d’une réconciliation entre les peuples autochtones et les communautés non autochtones», écrivent les juges dans les motifs de l’arrêt.
Deux des neuf juges ont estimé que la décision du gouvernement portait effectivement atteinte à la liberté de religion garantie aux Ktunaxa par la Charte, mais que «vu les choix qui s’offraient au ministre (…) cette décision était raisonnable dans les circonstances».
Les Ktunaxa avaient contesté devant les tribunaux le feu vert donné par le gouvernement provincial au promoteur, Glacier Resorts, qui veut construire une station de ski ouverte à l’année. Le promoteur négocie depuis plus de 20 ans avec le gouvernement et les parties intéressées, dont les premières nations Ktunaxa et Shuswap, qui vivent dans la vallée du mont Jumbo.
Le promoteur a procédé à plusieurs modifications à la suite des inquiétudes soulevées par les Autochtones, à la satisfaction des Shuswap. Mais les Ktunaxa ne pouvaient entrevoir de solution de compromis. En plus du manque de consultations, ils ont finalement plaidé aussi l’argument de la liberté de religion, mais deux premières instances judiciaires ont rejeté leur requête. La Cour suprême confirme ces décisions.