Le Québec reste accro au pétrole
Alors que l’énergie est à l’origine 70% des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans la province, le Québec s’est donné des objectifs de réduction de consommation de pétrole trop faibles à court terme, selon un chercheur montréalais.
Encore une fois, le rapport annuel sur l’État de l’énergie au Québec ne fait pas dans la dentelle. Le co-auteur Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire en gestion de l’énergie à HEC-Montréal, y souligne que le Québec ne vise que 5% de réduction de consommation de pétrole d’ici 2023. «On se donne le moins d’effort possible au début, ce qui signifie qu’il restera -35% à réaliser en sept ans pour atteindre la cible de 2030. C’est très peu ambitieux, compte tenu de l’ampleur du problème», avance-t-il.
La seule réelle bonne nouvelle de 2017 sur le front de l’énergie, selon lui, c’est la reprise du marché du carbone, dont l’existence était contesté en Californie, le principal acteur de ce marché. À l’inverse, les émissions de GES ont plafonné l’année dernière alors qu’elles doivent baisser de 2,5% par an pour que le Québec atteigne ses cibles environnementales. Même s’il y a désormais 21 000 véhicules électriques sur les routes, il s’est vendu 260 000 véhicules utilitaires sport (VUS) en 2016, soit 60 000 de plus que l’année précédente, et les ventes d’essence ont augmenté de 8% par rapport à 2015.
«La population n’est pas au rendez-vous», clame M. Pineau au vu de ces chiffres. Il pense que le gouvernement devrait agir pour favoriser le transport en commun, l’autopartage et le covoiturage dans des régions comme Québec ou Gatineau. «Avec l’avènement du téléphone intelligent, il faut assouplir la règlementation et faciliter les applications telles que Netlift qui favorise le covoiturage urbain», mentionne-t-il.
Le rapport décortique aussi les gains à faire en matière d’efficacité énergétique. Outre la meilleure enveloppe des bâtiments, il y a des bénéfices importants à faire du côté de l’utilisation de l’électricité, qui représente 35% de notre consommation énergétique (37% pour le pétrole). Or, malgré des milliards de dollars investis dans la construction de barrages d’Hydro-Québec, 20% d’entre eux ne servent qu’à répondre aux pics de consommations d’électricité aux heures de pointe.
Heureusement, des solutions existent. Rien qu’en ayant des chauffe-eau interruptibles, qui se déclencheraient par exemple le midi, aux heures creuses et non pas dès qu’une douche a été prise, on réduirait suffisamment les besoins à l’heure de pointe pour ne pas avoir besoin des barrages, de la rivière la Romaine, qui ont coûté plus de 6G$. «Le problème, c’est que la Santé publique s’y oppose, en invoquant le risque de prolifération des bactéries. Pourtant 2,5 millions de chauffe-eau fonctionnent de cette façon en Amérique-du-Nord», dit-il.
En 2018, M. Pineau suivra attentivement le plan directeur du nouvel organisme gouvernemental Transition énergétique Québec, qui doit présenter comment atteindre les objectifs environnementaux du Québec. «Pour atteindre les cibles de réduction des GES, c’est sans doute une révolution énergétique qu’il faudra envisager parce qu’une transition pourrait ne pas suffire», résume-t-il dans son rapport.
Invité à la présentation du rapport, le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelle, Pierre Moreau, a salué le rapport. «Que les orientations gouvernementales fasse l’objet d’analyses, de débats ou de critiques, c’est sain. Mais qu’elles soient perçues par certains groupes comme allant à l’encontre des objectifs de lutte aux changements climatiques, c’est faire fi de la réalité», a t-il déclaré.
Ce dernier a ajouté que «le Québec se trouve parmi les sociétés les mieux équipées pour réussir la transition énergétique», en faisant référence à l’hydroélectricité, la main d’oeuvre qualifiée, l’expertise du Québec sur le marché du carbone et la marge budgétaire retrouvée qui permettra au gouvernement d’investir 4,5G$ entre 2006 et 2020 dans la transition énergétique.
Voir la présentation vidéo du rapport : ici