Vérification indépendante des frais des sénateurs?
OTTAWA — Le représentant du gouvernement libéral au Sénat exhorte ses collègues à créer au plus tôt un organe parfaitement indépendant qui serait chargé de scruter leurs dépenses de fonction.
Peter Harder lance cet appel six ans après que le Sénat s’est retrouvé embourbé dans un scandale de «présumées dépenses irrégulières». Dans la foulée, le vérificateur général recommandait il y a trois ans la création d’un organisme de surveillance indépendant afin de prévenir ces irrégularités au Sénat.
M. Harder croit que les sénateurs ne devraient pas juger eux-mêmes de la recevabilité des demandes de remboursement de dépenses de leurs pairs, comme c’est le cas actuellement. Les chambres hautes d’autres démocraties parlementaires, y compris la Chambre des lords au Royaume-Uni, ont depuis longtemps adopté des mécanismes de contrôle indépendants, a souligné en entrevue le sénateur «non affilié», nommé en 2016.
Les sénateurs se penchent là-dessus depuis des mois. Il y a un an, le Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration avait recommandé la création d’un «comité permanent de l’audit et de la surveillance», qui serait composé de cinq sénateurs — mais d’aucun membre externe. En mars dernier, le Sénat a renvoyé cette recommandation à son Comité permanent du règlement, de la procédure et des droits du Parlement, afin qu’il lui propose tout changement nécessaire pour que ce nouveau comité voie le jour.
Le projet est resté bloqué à cette étape jusqu’à la semaine dernière; le Comité permanent du règlement a alors convenu avec son président, le sénateur conservateur Leo Housakos, qu’il n’avait pas le mandat de rouvrir le débat sur la création d’un comité de surveillance indépendant composé de membres extérieurs au Sénat. Le comité examinera plutôt, à sa prochaine réunion, une ébauche de rapport sur les changements qui seraient nécessaires pour créer un comité permanent, mais composé uniquement de sénateurs.
Des sénateurs échaudés
Le dossier reviendra un jour devant le Sénat tout entier, et M. Harder promet de plaider alors que la surveillance des dépenses des sénateurs devrait être absolument indépendante et transparente.
M. Harder croit que la réticence des sénateurs résulte du «traumatisme ressenti par ceux qui siégeaient lors de l’examen du vérificateur général, et qui répugnent à voir ce niveau de transparence au Sénat du Canada».
Le vérificateur général, Michael Ferguson, avait alors examiné les dépenses d’une centaine de sénateurs et de retraités de la chambre haute, sur une période de deux ans.
Dans son rapport, remis en 2015, il concluait que plus de 30 sénateurs avaient présenté des demandes de remboursement «douteuses», totalisant près d’un million de dollars. Ce chiffre a plus tard été réduit après que le juge à la retraite Ian Binnie a examiné les dépenses de certains sénateurs qui avaient choisi de contester les conclusions de M. Ferguson dans le cadre d’un processus d’arbitrage exécutoire.
M. Harder assure que le Sénat a «beaucoup progressé» depuis ce scandale des dépenses qui a terni la réputation de toute la chambre haute. Mais il estime qu’une récidive est toujours possible, et qu’il ne faudrait pas ignorer la recommandation de M. Ferguson de créer un organisme de surveillance indépendant, afin d’assurer une plus grande transparence au Sénat.
«Nous l’avons fait avec l’assiduité aux travaux, qui est maintenant divulguée de manière proactive; nous l’avons fait pour les dépenses du Sénat, qui sont toutes en ligne», explique le sénateur. «Il s’agit maintenant de l’ultime et dernière étape sur la voie de la transparence, afin que la population puisse avoir confiance en notre gestion des fonds publics.»