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Manitoba: un nouveau-né confisqué à sa mère

Photo: Métro
Steve Lambert, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

WINNIPEG — Deux vidéos publiées sur les médias sociaux montrent une petite fille tout juste venue au monde être retirée des bras de sa mère autochtone par des travailleurs sociaux et des policiers du Manitoba. Un drame qui, selon les dirigeants des Premières Nations, est trop courant dans un système de protection de l’enfance qui discrimine les Autochtones.

Les vidéos, diffusées en direct sur Facebook, jeudi, par l’oncle de la mère, montrent la femme assise dans un lit d’hôpital, berçant son bébé et se balançant d’avant en arrière alors que les travailleurs sociaux et la police lui expliquent que sa fille doit être prise en charge.

La femme pleure doucement et est serrée par des membres de sa famille, dont l’un pleure tristement. Finalement, la police place le nouveau-né dans un siège d’auto et l’emmène.

On ne dit pas à la mère quand elle pourrait revoir son bébé.

«La vidéo elle-même était dérangeante et soulevait un certain nombre de questions, évidemment, pour tous ceux qui la regardaient», a commenté la ministre des Services aux Autochtones, Jane Philpott, vendredi.

«Cela soulève certainement la question de savoir si cette famille a été traitée de manière à ce que l’unité de la famille et le lien entre le parent et l’enfant soient respectés, ce qui doit être sérieusement pris en considération», a poursuivi Mme Philpott.

La mère, qui ne peut être identifiée en raison de la loi manitobaine, dit avoir été prise de court par la situation et croit qu’elle n’aurait pas dû être traitée de la sorte.

La tante de la femme a raconté qu’un travailleur social accusait la nouvelle mère d’avoir été intoxiquée lors d’une visite au médecin. Mais selon elle, ce n’est pas vrai.

Selon les statistiques du gouvernement manitobain, environ un nouveau-né par jour est saisi par les services sociaux. Près de 90 pour cent des enfants retirés de leur famille sont des Autochtones.

Système discriminatoire, selon les Autochtones

Les séquences vidéo, qui avaient été visionnées plus de 400 000 fois vendredi après-midi, donnent un rare aperçu d’une intervention normalement privée. Ils présentent également un système de protection de l’enfance biaisé, selon les dirigeants autochtones.

«Le système auquel nous sommes soumis n’est pas un système pour notre peuple», a dénoncé vendredi le grand chef Garrison Settee, représentant des Premières nations du nord du Manitoba, lors d’une conférence de presse en compagnie de la mère, de sa famille et d’autres leaders de la communauté.

«Nous voulons reprendre nos bébés parce qu’ils nous appartiennent. Leur place est… dans leur propre culture, dans leurs propres sociétés, parmi leur propre peuple», a-t-il plaidé.

Les vidéos montrent des membres de la famille racontant aux travailleurs sociaux que l’accusation était fausse. Ils demandent si le bébé peut demeurer avec un autre membre de la famille au lieu d’être emmené. Ce qui leur est refusé.

Pendant tout ce temps, la mère est assise sur son lit d’hôpital, berçant son bébé. Elle se rappelle avoir pris des forces de sa fille.

«Quand je tenais mon bébé, c’était elle en fait qui me gardait heureuse et forte et concentrée. Et je m’accroche toujours à ça», a-t-elle ajouté.

Cora Morgan, une avocate familiale de l’Assemblée des chefs du Manitoba, a déclaré que la mère avait peut-être été visée par une «alerte à la naissance», une note à l’intention des travailleurs sociaux indiquant qu’une future mère présente un risque élevé, parce qu’elle avait eu une autre fille temporairement prise en charge il y a plusieurs années.

La femme avait déjà demandé de l’aide pour des problèmes de dépendance et de l’accompagnement dans ses responsabilités parentales auprès des services à l’enfance et à la famille, a révélé Mme Morgan, mais elle n’était pas intoxiquée à son arrivée à l’hôpital pour accoucher.

L’autorité générale des services à l’enfance et à la famille, qui supervise les travailleurs sociaux concernés, n’a pas offert de détails sur l’affaire, mais a défendu sa décision.

«Retirer un enfant à sa mère est une décision très difficile et elle n’est prise qu’en dernier recours, lorsque cela est nécessaire pour garantir la sécurité des enfants», a déclaré par écrit la directrice générale de l’autorité, Debbie Besant.

«J’ai personnellement examiné ce dossier en détail et rencontré le personnel de l’agence impliqué, y compris le directeur de l’agence. Je fais confiance aux décisions qui ont été prises», a soutenu Mme Besant.

Le gouvernement fédéral a promis une nouvelle loi cette année visant à garder davantage de familles autochtones unies. Selon la ministre Philpott, les consultations menées à ce jour ont soulevé des thèmes récurrents.

«L’une des choses que les gens nous ont racontées, c’est que l’accent doit être mis sur la prévention et sur tous les moyens possibles pour aider les familles à rester ensemble.»

La mère dit être optimiste de retrouver sa fille rapidement. Le dossier a été transféré de Winnipeg à un organisme de la communauté d’origine de la femme.

«J’ai bon espoir que les choses vont évoluer de manière positive.»

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