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Mike Ward en appel pour ses blagues sur Jérémy Gabriel

Comedian Mike Ward speaks to the media at the Quebec Appeal Court Wednesday, January 16, 2019 in Montreal. The Court is hearing arguments about whether Ward, who joked of drowning a disabled boy, Jeremy Gabriel, should have to pay damages to him and his family. THE CANADIAN PRESS/Ryan Remiorz Photo: Ryan Remiorz/La Presse canadienne

MONTRÉAL — Les humoristes québécois auront peur de faire des blagues controversées si la décision rendue contre Mike Ward par le Tribunal des droits de la personne du Québec en 2016 est confirmée, selon l’avocat Julius Grey.

Ce dernier cherchait à convaincre, mercredi, trois juges de la Cour d’appel du Québec qu’une blague sur une tentative de noyade sur Jérémy Gabriel, un garçon «laid» et handicapé — selon les propos de l’humoriste —, peut avoir été «offensante», mais qu’elle doit rester légale dans une société libre et démocratique.

Mike Ward fait appel d’un jugement du Tribunal des droits de la personne du Québec, selon lequel ses prestations comportaient des propos discriminatoires à l’égard du jeune chanteur handicapé. Le tribunal avait ordonné à l’humoriste de verser 35 000 $ à Jérémy Gabriel en dommages moraux et punitifs ainsi que 7000 $ à sa mère.

«Dans ce cas particulier, si le jugement est maintenu, personne ne pourra plus oser être un humoriste, parce que normalement on se moque de choses controversées — sinon ce n’est pas drôle», a déclaré Julius Grey aux journalistes présents au palais de justice de Montréal. «Si tout ce qui suscite la controverse peut autoriser quelqu’un à dire: « J’ai été blessé, je vais au tribunal », alors nous sommes finis.»

Jérémy Gabriel est né prématurément en 1996 et est atteint du syndrome de Treacher Collins, une maladie congénitale caractérisée par des malformations du crâne et du visage. Surnommé «le petit Jérémy», il avait acquis une certaine notoriété au Québec lorsqu’il a chanté, à l’âge de neuf ans, pour le pape Benoît XVI à Rome en 2006.

Dans la blague que Mike Ward a racontée lors de spectacles entre 2010 et 2013, l’humoriste disait qu’il pensait initialement que la maladie du jeune chanteur était en phase terminale. Il ajoutait qu’il pensait que les gens n’étaient que gentils avec lui et l’avaient laissé chanter avec des célébrités, car il serait bientôt mort. Après avoir réalisé que l’enfant vivait beaucoup plus longtemps que prévu, il concluait que Jérémy Gabriel était invincible. Il plaisantait ensuite en disant qu’il avait même essayé de le noyer dans un parc aquatique, mais qu’il ne mourait pas.

Jérémy Gabriel, qui est maintenant âgé de 22 ans, a raconté que des enfants de son école se moquaient de lui en répétant les blagues de Mike Ward. Il a dit que ce monologue l’avait amené à remettre en question sa valeur en tant qu’être humain et à lui donner des pensées suicidaires.

Un juge québécois a statué que la blague violait le droit du jeune homme handicapé à la dignité, à l’honneur et à la réputation, ainsi que son droit à l’égalité et à la protection contre la discrimination.

Me Gray soutient que la blague de Ward n’était pas discriminatoire. «La discrimination l’aurait été s’il n’avait pas été admis quelque part ou s’il avait été évalué différemment», a soutenu l’avocat devant les juges. «Il ne suffit pas de se moquer de lui pour créer une discrimination.»

Stéphanie Fournier, une avocate représentant le Tribunal des droits de la personne, a répliqué que le juge de l’instance inférieure avait eu raison d’appliquer la loi. Elle dit que la décision n’empêchait pas les humoristes de parler de Jérémy Gabriel ou d’autres personnes appartenant à des groupes protégés par la Charte des droits et libertés.

«La nuance est que vous ne pouvez pas humilier une personne ou violer sa dignité… car elle est handicapée», a-t-elle précisé aux juges. «(Jérémy) Gabriel a été ciblé parce qu’il avait un handicap.»

Il n’est pas question que la liberté d’expression soit moins importante que les autres droits, a ajouté Me Fournier. «La nuance, c’est que l’exercice de la liberté d’expression ne doit pas violer les droits fondamentaux d’une autre personne.»

Après l’audience, celui qui a aussi chanté avec Céline Dion a dit ne pas comprendre comment son cas pourrait avoir des implications pour d’autres humoristes du Québec.

«Je pense que les humoristes font de la propagande en faisant peur aux gens qu’ils vont perdre leur liberté d’expression», a-t-il soutenu aux membres de la presse. Il a indiqué qu’il vit toujours avec le traumatisme que la blague de Mike Ward lui a causé: «C’est toujours avec moi. (La blague) est restée sur les médias sociaux et dans la conscience des gens qui ont vu les spectacles.»

De son côté, l’humoriste ne s’est pas excusé lorsqu’il s’est adressé brièvement aux journalistes. «C’est une blague», a lancé Mike Ward. «Je n’ai pas fait la blague depuis six ans. Je l’ai écrite il y a 10 ans.»

«Amener un humoriste qui fait de l’humour noir en cour pour une « joke trash », ce serait comme donner un « ticket » à Vin Diesel parce qu’il chauffait vite dans « Fast and the Furious », je trouve ça dégueulasse!»

«Je vais continuer à me battre», conclut l’humoriste controversé.

Le tribunal a annoncé qu’il rendrait sa décision à une date ultérieure.

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